Zida, Kafando et les autres
Burkina faso
Deux semaines après son installation à la tête du pouvoir, le lieutenant-colonel Zida a cédé la place à Michel Kafando, une personnalité civile qui évoluait comme cadre dans les structures de l’Onu. Zida lui-même demeure Premier ministre et à ce titre nommera son gouvernement dans lequel les militaires seront en bonne place.
Dans son premier discours Kafando a déclaré qu’il n’y aurait « plus jamais d’injustice, plus jamais de gabegie, plus jamais de corruption ». Il a également annoncé qu’une enquête allait être menée pour identifier le corps de l’ancien président Thomas Sankara, tué en 1987 lors du putsch qui a permis à Blaise Compaoré d’accéder au pouvoir.
Pour mener à bien les changements annoncés, les tenants du pouvoir de transition demandent à la jeunesse qui s’est insurgée et aux classes pauvres, de se démobiliser et de se contenter de faire confiance au même appareil d’État (à quelques têtes près), au même système social que sous le régime déchu. Autant dire qu’il s’agit d’une duperie !
L’effervescence au sein de la jeunesse
La majorité des jeunes originaires des quartiers déshérités qui est descendue dans la rue se réclame du mouvement « balais citoyen », un mouvement de désobéissance civile créé il y a plus d’un an dont l’objectif est de « balayer » le régime Compaoré. Il se revendique de l’héritage de Thomas Sankara appelé le « Che Guevara africain », qui était un jeune capitaine de l’armée, arrivé au pouvoir en 1984 à l’âge de 34 ans. Il était connu pour ses discours enflammés à la tribune de l’ONU en faveur de l’autosuffisance nationale. Il préconisait un principe de vie spartiate que les ministres et hauts fonctionnaires devaient appliquer pour eux-mêmes afin de donner l’exemple. Ils devaient abandonner leurs grosses voitures Mercédès pour adopter des voitures Renault 5. Le pays qui s’appelait la Haute Volta depuis l’époque coloniale, a été nommé Burkina Faso (le pays des hommes intègres). Il essaya de procéder à la réforme de la terre mais se heurta à l’hostilité des grands propriétaires et de la chefferie traditionnelle. Il fut renversé et assassiné le 15 octobre 1987. Le nouvel homme fort Blaise Compaoré était un de ses compagnons de route. Il prit les rênes du pouvoir, mais se déclara vouloir « rectifier la révolution ». Les réformes même timides furent stoppées et les relations avec les grandes puissances, au premier rang desquelles il y avait la France et qui étaient quelque peu refroidies, furent renouées et cela dura 27 ans.
La contestation au sein de la jeunesse s’exprime depuis une quinzaine d’années, dans la foulée du meurtre en 1998 de Norbert Zongo, un journaliste qui enquêtait sur la mort suspecte d’un chauffeur de François Compaoré. Derrière cette mort chacun soupçonne la main du pouvoir. Un jeune rappeur connu sous le nom de scène de Basic Saoul avait composé une chanson intitulée Capitaine. Elle fut interdite de diffusion car elle évoquait Sankara. D’autres artistes comme Smokey ou Sam’K Le Jah s’y sont risqués mais ont subi la censure. Ces artistes exprimaient des sentiments qui traversaient la jeunesse. Plusieurs jeunes ont été tués suite à la répression par les forces de l’ordre.
Tous ces jeunes qui ont fait preuve de courage pour affronter les forces de répression n’auront pas un autre avenir que celui que l’ancien pouvoir leur réservait. Comment faire pour que cela ne recommence pas comme avant, c’est-à-dire remplacer des corrompus par d’autres corrompus, des militaires par d’autres militaires qui continuent à taper sur le peuple ? Comment faire pour que les aspirations des classes pauvres ne passent pas sous le boisseau ?
Ceux d’entre ces jeunes qui veulent un avenir personnel peuvent faire carrière dans l’armée, la police ou la gendarmerie. Ils peuvent aussi chercher à se caser dans les églises ou les mosquées. Mais si parmi eux il y en a qui veulent un avenir pour les autres, pour l’ensemble des classes pauvres, il n’y a pas d’autre solution pour eux que de s’atteler à la construction du parti des prolétaires. Le prolétariat est la seule classe sociale capable de renverser le capitalisme malade et en crise et d’offrir des perspectives dignes du 21e siècle à l’ensemble des déshérités dont fait partie la majorité des jeunes qui est descendue dans la rue.