Sénégal – Macky Sall et ses anciennes promesses contre la vie chère
Il y a un an, le 26 septembre 2022, à la suite d’une série de manifestations contre la vie chère, le président sénégalais Macky Sall annonçait qu’il s’engageait à prendre « 15 mesures pour renforcer le pouvoir d’achat des sénégalais ». Quelques semaines plus tard, le 7 novembre 2022, face à la colère populaire qui continuait à monter, le nombre de « mesures » est monté à 55, mais la montagne de promesses de Macky Sall n’a même pas accouché d’une souris !
Voici, à titre d’exemple, ce que son gouvernement annonçait alors comme mesures applicables sans délai : Le prix du kilo de riz brisé « 100% indien » devait passer de 350 à 325 Fr – le litre d’huile, de 1200 à 1100 Fr – le kilo de sucre, de 600 à 575 Fr – l’oignon local, de 500 à 400 Fr le kilo – l’oignon importé, de 700 à 500 Fr – la pomme de terre locale, de 600 Fr à 400 Fr le kilo, etc. Il avait même annoncé une baisse de 20% sur les loyers inférieurs à 300 000 francs.
Les jours et les semaines se sont écoulés mais les consommateurs n’ont pas vu grand-chose. Les détaillants ont préféré ne pas vendre leurs produits plutôt que de les vendre à perte tandis que les grossistes ont trouvé les moyens de créer artificiellement une pénurie et d’alimenter la flambée des prix. Mais le gouvernement, au lieu de s’en prendre aux gros bonnets de l’import export ainsi qu’aux grossistes des denrées produites localement comme le sucre, l’huile d’arachide et autres produits agricoles, a indexé les petits boutiquiers.
Le recrutement de « 1000 jeunes volontaires » dont la mission est de circuler dans les marchés et les quartiers populaires pour contrôler les prix, fait partie de la politique du gouvernement consistant à faire porter le chapeau aux petits détaillants et de laisser tranquille les grossistes. Dans la panoplie des mesures démagogiques, on peut noter également la création d’un « numéro vert » et d’une « journée nationale des consommateurs ».
Quant aux prix des loyers, les petits locataires n’ont constaté aucune amélioration, bien au contraire, cette prétendue baisse s’est transformée en quasi doublement des loyers. Dès l’annonce de la mesure, les bailleurs ont commencé à donner des préavis de fin de contrat à leurs locataires sous prétexte de travaux à effectuer dans les appartements. Certains ont fait juste repeindre les appartements pour doubler ensuite le loyer en imposant trois mois de loyer payés d’avance. Ainsi par exemple à Keur Massar (une banlieue populaire de Dakar où les loyers sont relativement moins élevés que dans de nombreux autres endroits de la capitale) le même appartement avec une chambre et salle de bain qu’on louait à 25 000 francs par mois jusqu’en octobre de l’année dernière est monté jusqu’à 50 000 francs aujourd’hui. Ce renchérissement de loyer a poussé les familles à faibles revenus à s’éloigner vers les banlieues encore plus loin de leur lieu de travail.
Les prix des denrées alimentaires ont aussi monté en flèche au lieu de baisser comme annoncé par le gouvernement. Par exemple, le kilo de sucre qui valait 600 francs l’année dernière se vend aujourd’hui à 800 francs chez les commerçants des quartiers populaires. Le litre d’huile qui était à 1200 francs est aujourd’hui entre 1500 et 1800 francs selon les quartiers. Le riz « parfumé-brisé » qui se vendait entre 400 et 450 francs le kilo est vendu aujourd’hui entre 500 et 550 francs, etc.
Les conditions d’existence des classes populaires n’ont donc fait que se dégrader. La flambée des prix, les bas salaires, les frais de scolarité en cette période de rentrée scolaire, le coût du transport, des loyers et tout le reste font que même ceux qui ont la chance d’avoir un salaire régulier ne voient pas le bout du tunnel. La guerre en Ukraine et les spéculations sur le prix du blé et du transport maritime ont fait monter le prix de la farine. Le prix du riz est de nouveau en hausse suite à la décision de l’Inde de limiter son exportation.
Le jour du 1er Mai 2023, les principales centrales syndicales rassemblées derrière la CSCS (Coalition des Centrales Syndicales du Sénégal) ont dénoncé « le non respect des droits des travailleurs et les salaires minables » et réclamé que les heures supplémentaires soient payées contrairement à ce qui se passe dans de nombreux secteurs, dont celui de l’hôtellerie. Certains ont même annoncé qu’ils sont prêts à appeler à la grève si le gouvernement et le patronat ne les écoutent pas, et blablabla et blablabla comme chaque année en pareille occasion.
Le mépris du gouvernement et du patronat ne date pas d’aujourd’hui. La colère dans la population ouvrière contre la flambée des prix et les bas salaires est bien réelle, mais les dirigeants des principaux syndicats passent plus de temps à participer à des colloques et autres journées de concertation ou de négociation avec ceux qui exploitent et oppriment les travailleurs qu’à mobiliser et encourager les travailleurs à relever la tête.
En tout cas, une chose est sûre, il n’y aura aucune amélioration de la situation de la classe ouvrière si celle-ci ne se met pas en lutte pour faire reculer le gouvernement et le patronat. En s’organisant et en se mobilisant pour les combats à mener, elle montrera aussi le chemin de la lutte à l’ensemble de la population pauvre pour améliorer ses conditions d’existence plutôt que de mettre ses espoirs sur tel ou tel candidat de l’opposition.