Sénégal – 1er décembre 1944, il y a 80 ans, le massacre de Thiaroye
À l’occasion de la célébration du 80ème anniversaire du massacre de Thiaroye, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a invité le président français Emanuel Macron à la cérémonie commémorative. 10 ans plus tôt c’était François Hollande qui avait fait le déplacement avec l’invitation de l’ancien président sénégalais Macky Sall. Mais jusqu’aujourd’hui, la vérité sur ce qui s’est réellement passé le 1er décembre 1944 dans le camp de Thiaroye, reste toujours dans le flou, notamment en ce qui concerne le nombre de morts, car l’État français continue de dissimuler une partie des archives militaires relative à cet évènement.
Depuis plusieurs dizaines d’années les parents des victimes réclament la vérité aux autorités françaises, ils veulent savoir pourquoi l’État français ne reconnait pas leurs morts et où ont-ils été enterrés ? Ils réclament aussi des réparations pour les préjudices subis.
Communément appelés « tirailleurs sénégalais », 140 000 Africains originaires des colonies françaises de l’ouest du continent avaient été enrôlés dans l’armée française dès le début de la Deuxième Guerre mondiale. Envoyés souvent en première ligne pour combattre l’armée allemande, beaucoup y laissèrent la vie, d’autres furent internés dans des camps allemands installés sur le sol français – gardés par la police française sous le régime de Vichy. Libérés en 1944, ils avaient droit à une solde de captivité en tant que soldats de l’armée française. Il avait été stipulé qu’un quart de la somme leur serait versé au moment du départ de France et les trois quarts restant lors de leur arrivée à Dakar. Ainsi plus de 1000 tirailleurs sénégalais avaient été embarqués de Morlaix le 5 novembre 1944 pour Dakar, où ils devaient être indemnisés avant de regagner leurs pays respectifs. 315 autres avaient refusé d’embarquer pour n’avoir pas reçu la partie des indemnités prévues avant l’embarquement.
À leur arrivée à Dakar, les tirailleurs furent regroupés à l’intérieur du camp militaire de Thiaroye mais les indemnités qui leur avaient été promises n’ont pas été payées. Alors, ils refusèrent de quitter le camp tant qu’ils n’auraient pas perçu leurs droits. Le 28 novembre, 500 hommes bloquèrent le véhicule du général Dagnan, le temps qu’il promette d’examiner leur demande. Mais, loin d’être sensible à l’injustice subie par les soldats africains, ce dernier parla alors de prise d’otage et de mutinerie pour justifier le massacre qu’il prépara pour le 1er décembre.
Ce jour-là, les soldats africains rassemblés dans la cour se retrouvèrent face à des bataillons renforcés par un char, trois automitrailleuses et autres matériels de guerre. Les tirs se firent sans sommation. Les chiffres officiels font état de 35 morts et 46 blessés, mais il y en eut certainement beaucoup plus. Le général Dagnan lui-même parle de 70 morts dans un de ses rapports. Plus tard, des historiens ont démontré qu’il y avait eu une manipulation des chiffres pour minimiser le nombre de morts. En faisant le décompte entre le nombre de soldats embarqués au départ et ceux qui auraient du se trouver dans le camp de Thiaroye, ils ont trouvé une différence inexpliquée d’environ 400 personnes ! Cependant, l’État français a continué à nier les faits.
En 2014, François Hollande a reconnu pour la première fois qu’il y avait eu une « répression sanglante » qui avait coûté la vie à 70 tirailleurs. Ce jour-là, il a dit avoir transmis à son homologue sénégalais « la totalité des archives » mais c’était un mensonge de plus car certains documents ne sont toujours pas accessibles aux chercheurs.
Dix ans après son prédécesseur, Macron fait un petit pas de plus en prononçant cette fois-ci le mot « massacre » pour qualifier le bain de sang de Thiaroye. Ce petit geste satisfera peut-être Diomaye Faye qui a l’intention de l’accueillir en grande pompe à Dakar, mais pas les parents des tirailleurs et tous ceux qui avec eux cherchent à rétablir la vérité sur le massacre du 1er décembre 1944.
Rappelons que quelques mois à peine après le massacre de Thiaroye, il y a eu un autre bain de sang en Algérie, notamment à Setif en 1945, qui fit 45 000 morts, puis en Indochine, Madagascar, etc. Aucune repentance n’effacera les crimes de l’impérialisme français.