Multiplication de rapts d’enfants sur fond de rumeurs de sorcellerie

20 avril 2018

SÉNÉGAL

Depuis le mois de février le nombre d’enlèvements et de meurtres d’enfants a fortement augmenté au Sénégal. Les parents ne se sentent pas rassurés par la protection de la police dont les dirigeants ont tendance à minimiser le nombre de ces actes de violence en mettant l’accent sur l’effet de « psychose » ou de « fausses alertes ». Du coup, dans de nombreux quartiers populaires, ce sont les habitants qui s’organisent comme ils peuvent en désignant des « groupes de vigilances » pour surveiller les enfants du quartier.

Le dernier enlèvement survenu à Dakar le 22 mars (qui a heureusement échoué) a provoqué une colère et une plus grande mobilisation au sein de la population. Une manifestation a été organisée deux jours après dans le quartier de Médina à Dakar. Il y a eu environ 500 personnes. Des parents sont venus avec leurs enfants portant des pancartes dénonçant des rapts.

Sentant le vent de la colère, le président Macky Sall a réagi dès le lendemain en admettant qu’il y a bien « une vague d’assassinats et de rapts d’enfants » dans le pays et que la police devrait faire plus d’efforts pour traquer les malfaiteurs. Cela va-t-il mettre fin à ces actes ? Rien n’est moins sûr. En tout cas de nombreux parents ne font pas confiance à l’efficacité de la police.

Qu’est-ce qui explique la multiplication de ces actes un peu partout à Dakar et ses environs mais aussi dans certaines villes à l’intérieur du pays ? Les rumeurs, relayées par les réseaux sociaux et les journaux friands de faits-divers macabres, vont bon train. Certains disent qu’à l’approche des élections importantes comme les présidentielles, les rites sacrificiels auxquels s’adonnent les politiciens à la recherche d’un pouvoir magique, s’accompagnent souvent d’enlèvement et de meurtres d’enfants. C’est en tout cas la version de l’une des organisatrices de la manifestation du 24 mars. « Ces actes, dit-elle, nous font penser à des sacrifices, mais nous devons d’abord attendre les résultats des autopsies, ensuite on verra ce que les autorités nous diront ».

Ce n’est pas la première fois que ce genre de sacrifices rituels a lieu dans des pays africains. Tout dernièrement en Côte d’Ivoire il y a eu un meurtre similaire sur un enfant de quatre ans. Dans certains endroits ce sont des albinos qui en sont les victimes, dans d’autres, des jumeaux ou des enfants ayant certains traits auxquels des sorciers attribuent des vertus particulières.

On ne peut pas attendre des dirigeants actuels des États africains qu’ils mettent fin a ces pratiques héritées des temps anciens car la plupart d’entre eux s’y adonnent. Chacun a son sorcier, son marabout, son pasteur ou son gourou tropical pour le protéger des « mauvaises ondes ». La plupart de ceux qui se définissent comme des élites et qui ont accès aux grands médias ne valent pas mieux. Ils ont beau avoir fait des études scientifiques qui permettent d’expliquer rationnellement les phénomènes naturels mais ils s’inclinent devant la sorcellerie et croient encore aux « mangeurs d’âmes », aux faiseurs de pluies et autres fariboles.

La persistance de ces pratiques ancestrales jusqu’à nos jours illustre surtout le pourrissement de la société capitaliste et le retard de la révolution prolétarienne mondiale, seule capable d’apporter un véritable progrès social et culturel à la grande majorité de la population et d’éradiquer les obscurantismes hérités du passé lointain.