Mémoire du mouvement ouvrier
Il y a 150 ans, la commune de paris
Face au pouvoir des possédants, se dressait pour la première fois dans l’histoire un nouveau pouvoir incarnant les espoirs et la volonté des masses laborieuses. Le premier État ouvrier faisait flotter sur les toits de l’Hôtel de ville de Paris, le drapeau rouge de la révolution sociale. La Commune n’a vécu que 72 jours. Mais le sang de ses martyrs n’aura pas coulé en vain car leur exemple a servi à tous ceux qui se battent pour transformer radicalement la société.
La classe ouvrière à la veille de la Commune
La France restait à l’époque un pays de petits artisans, de petits patrons et surtout de paysans. À Paris 7% des patrons seulement avaient plus de 10 ouvriers. La classe ouvrière était jeune mais riche des expériences des luttes du passé. Les quartiers ouvriers bouillonnaient d’idées politiques et de militants : des républicains, des socialistes qui voyaient qu’il faut changer les rapports entre ouvriers et patrons, parmi eux des partisans de Blanqui un révolutionnaire connu. Il y avait aussi des membres de l’Association Internationale des Travailleurs, une majorité disparate de jacobins, de «révolutionnaires indépendants», de proudhoniens…
En février 1848 la classe ouvrière s’était battue, derrière d’autres forces sociales, contre la monarchie. En juin de la même année, la bourgeoisie républicaine se retournait contre les travailleurs avec une violence sans précédent. Ces événements sont bien présents dans les mémoires et les militants ouvriers entretiennent, à juste raison, la méfiance vis-à-vis du gouvernement. Des comités surgissent un peu partout, c’est une véritable ébullition. Des milliers de travailleurs se réunissent chaque jour y compris dans certaines églises ; des clubs se forment et des liens se tissent. Mais les travailleurs et la population pauvre ne font pas que discuter, ils vont s’organiser.
L’empereur Napoléon III s’était mis en guerre contre Bismarck dirigeant de la Prusse. L’armée française fut battue et Napoléon III prisonnier de Bismarck. Cette défaite créa une crise révolutionnaire en septembre 1870, aboutissant à la Commune de Paris en mars 1871.
Le gouvernement républicain, succédant à celui de Napoléon III, dans l’espoir d’utiliser la Garde Nationale pour faire régner l’ordre contre les ouvriers, fait porter son nombre de quelques dizaines de milliers d’hommes à plus de 200 000. Ce sont en fait des travailleurs en armes et ils deviennent un des principaux foyers d’effervescence révolutionnaire dans cette ville de Paris cernée par les armées prussiennes et sans ravitaillement.
L’armistice signé le 26 janvier entre le gouvernement républicain et le commandement allemand est perçu comme une véritable trahison par les travailleurs parisiens. Thiers, un vieux politicien bourgeois, est chargé de ramener l’ordre à Paris en liquidant la menace que représente la population ouvrière armée. Il envoie des troupes reprendre en douce dans la nuit du 17 mars, les centaines de canons de la garde nationale stationnés dans les quartiers populaires. La foule entoure les soldats, des ménagères leur expliquent qu’ils n’ont pas le droit de leur voler leurs canons. Ouvriers et soldats se mettent à fraterniser, ces derniers refusent de tirer sur la foule comme le leur demandent les officiers, deux généraux sont fusillés par les insurgés.
C’est une véritable insurrection !
Le comité central de la Garde Nationale se retrouve au centre de tout et se met à organiser la mobilisation. Tout ce que Paris contient de bourgeois, d’affairistes, de hauts fonctionnaires, de policiers c’est-à-dire environ 100 000 personnes, s’enfuit à Versailles où se trouvent l’assemblée et le gouvernement de Thiers. En fait l’appareil d’État, son armée, sa police, tout cela a été brisé à Paris par le soulèvement populaire. Paris est le foyer d’un nouveau pouvoir, un pouvoir ouvrier, pour la première fois dans l’histoire.
Dans l’immédiat, le comité central ne s’estime pas légitime car il est issu des seuls votes des gardes nationaux. Des élections à l’échelle de tout Paris pour constituer une Commune élue sont donc organisées. Une assemblée de 80 élus se réunit le 29 mars et va devenir le point central de la révolution parisienne. Les délégués élus à la Commune sont des travailleurs ou des représentants connus des travailleurs. Alors on peut voter ou même être élu sans distinction d’origine ou de nationalité. Tous ces élus rendent des comptes et sont révocables à tout moment. Pour la 1ère fois dans l’histoire, ce sont les ouvriers qui ont le pouvoir et c’est tout le petit peuple de Paris qui met en application chacune des mesures prises.
Dans le domaine du logement, la Commune repousse le payement des loyers à des jours meilleurs et interdit les expulsions. Elle organise aussi la réquisition des logements abandonnés par les bourgeois réfugiés à Versailles. De nombreux patrons en fuite vers Versailles ont déserté leur entreprise. Avec le soutien de la Commune les travailleurs rouvrent les ateliers et se mettent à les faire tourner sous forme de coopératives « soustraites à l’exploitation du capital ». Des magasins associés aux ateliers coopératifs sont gérés démocratiquement par des comités de femmes. Les militantes d’une « Union des femmes » démarrent dans chaque arrondissement le recensement de toutes les intéressées pour travailler dans ces ateliers coopératifs. Les salaires sont augmentés pour ceux qui sont mal payés, l’horaire de travail légal est limité à huit heures. Le travail des enfants est interdit et celui de nuit pour les femmes.
De façon générale, dans les conflits opposant les bourgeois et les prolétaires, la Commune prend systématiquement le parti des ouvriers. Sous l’impulsion de Vaillant, délégué à l’enseignement, la Commune décrète l’enseignement obligatoire, libre gratuit et laïc. C’est une révolution car avant l’enseignement était réservé à une minorité dont les filles étaient quasiment exclues et qui était sous le contrôle de l’Église et de l’État. Dans plusieurs arrondissements, des gens prennent l’initiative de mettre en place des orphelinats qui vivent grâce au bénévolat et aux dons.
La Commune est en permanence coincée par le manque de moyens, mais elle ne touche pas à la Banque de France, pourtant bourrée de réserves d’argent. Elle retire seulement 16,7 millions de francs, mais dans le même temps Thiers depuis Versailles reçoit 20 fois plus et va s’en servir pour financer l’armée qu’il prépare pour écraser la Commune.
Le 21 mai l’armée versaillaise entre dans Paris, la ville se hérisse de barricades. La défense des ouvriers parisiens est héroïque. Il faudra une semaine à des troupes supérieures en nombre, en matériel et en organisation pour reprendre la capitale. Plus de 20 000 communards sont tués, des hommes, des femmes et des enfants. Des dizaines de milliers de personnes sont déportées vers le bagne de Cayenne. Cette semaine de déferlement barbare est connue sous le nom de « semaine sanglante ».
C’est l’expérience de la Commune qui a montré la nécessité pour les militants socialistes de construire des partis socialistes qui ne se contentent pas d’attendre la révolution, mais la préparent de sorte que les idées pénètrent le plus largement possible dans la classe ouvrière pour agir efficacement le moment venu.
Eugène Pottier, un communard, composa en juin 1871 ce chant qui va devenir l’hymne des socialistes et des communistes, « l’Internationale ». La Commune est morte mais son message est encore vivant dans le cœur et la conscience de ceux qui luttent pour la victoire de la classe ouvrière.