Madagascar : ils sont capables de mettre le pays à feu et à sang pour assouvir leur soif de pouvoir et de richesse
Depuis plusieurs mois les partisans des ex-présidents Ravalomanana et Rajaonarimampianina, à la tête d’un collectif de 12, puis de 10 candidats, organisent des rassemblements dans de nombreux endroits de la capitale Antananarivo, y compris au Colysée et au stade de Mahamasina, à Behoririka (centre ville). L’emblématique Place du 13 mai située en face de l’Hôtel de ville, leur est pour le moment inaccessible. Ces opposants ne reconnaissent pas la composition de la CENI (Commission Électorale Nationale Indépendante) ainsi que celle de la HCC (Haute Cour Constitutionnelle). Ils exigent que l’élection présidentielle, qualifiée à juste raison de «mascarade», soit repoussée à une date ultérieure.
Au cours des multiples face-à-face tendus avec les forces de l’ordre restées fidèles au président en place Rajoelina, lui-même candidat à sa propre succession, de nombreuses personnes ont été grièvement blessées. Parmi ces personnes touchées, il y a un député connu pour sa fidélité active envers son mentor Ravalomanana.
En fait ces trois candidats sont des personnes richissimes. Chacun d’eux s’est constitué un véritable magot, décuplé durant les années de passage à la tête du pays. Certains journalistes qui ont le sens de l’humour, ont même fait des analogies avec le film de Sergio Leone «Le bon, la brute et le truand» à ceci près que le trésor pour lequel s’affrontent ces politiciens magouilleurs et corrompus, est le contrôle de l’État et des richesses qui vont avec.
À l’époque où il était président, le magazine américain Forbes plaçait Ravalomanana (propriétaire du groupe agroalimentaire Tiko) en quatrième position des riches du pays. Il a usé et abusé de sa fonction présidentielle pour s’enrichir de façon outrancière et ostentatoire. Il se croyait tout permis et ne s’est pas senti gêné de faire l’acquisition d’un avion Boeing (d’occasion) du studio américain Walt Disney moyennant la modique somme de 60 millions de dollars, piochée dans les caisses de l’État. Cela, pour son usage personnel et celui de sa famille. Cette attitude a choqué l’opinion publique surtout qu’au même moment la région de l’Androy située dans l’extrême sud-ouest était fortement frappée par la sècheresse. Les gens de cette région et aussi d’autres régions, avaient chaud, avaient soif et devaient survivre dans le dénuement. Ravalomanana s’est mis à dos un certain nombre d’hommes d’affaires du pays en faisant main basse sur leurs sociétés.
Ce climat de mécontentement grandissant a profité à Andry Rajoelina qui entre temps, avait réussi à se faire élire maire de la capitale. Lui aussi était dans les affaires à la tête (entre autres) d’une société numérique, Injet, mais surtout dirigeait l’entreprise Doma Pub, leader de l’affichage publicitaire dans le pays. En 2009, l’arrivée au pouvoir de Rajoelina était en fait le point culminant d’une rivalité commerciale entre les deux hommes d’affaires reconvertis en politique.
Ravalomanana était tellement honni par les travailleurs que des grèves éclataient partout dans le pays, suivies de manifestations. Des gens désœuvrés se livraient parfois à des pillages. Le président a été alors contraint de confier le pouvoir à un directoire militaire qui l’a transféré à Rajoelina. Celui-ci était devenu dirigeant de la Haute Autorité de Transition (HAT) et s’y est accroché durant quatre années. Au cours de cette période il a été impliqué dans divers trafics, notamment celui des bois précieux.
Le troisième larron, Rajaonarimampianina, est aussi un homme argenté. Il avait suffisamment de richesse en 2013 (année où il a gagné les élections présidentielles) pour sortir de ses coffres-forts une bagatelle estimée à 43 millions de dollars, comme budget de campagne électorale. Il a été un allié de Rajoelina à l’époque où celui-ci était président de la HAT. Maintenant il a changé d’alliance en se mettant à la remorque de Ravalomanana, leader incontesté du collectif des 10 candidats.
À moins d’une semaine du 1er tour de l’élection présidentielle qui est prévue pour le 16 novembre, le pays ne sait toujours pas si elle aura effectivement lieu à cette date. En effet 700 notables de tout poil, certains en tenue civile d’autres en uniforme ecclésiastique, ont réussi le 9 novembre à pénétrer dans la cafétéria de l’Assemblée nationale. Ils y ont fait dresser une sorte de podium et ont organisé un meeting suivi d’un vote. Les députés étaient absents mais la présidente de l’Assemblée nationale (présente sur le lieu) a estimé que «les conditions pour tenir des élections propres, transparentes, apaisées…ne sont pas remplies». Par conséquent selon elle «le processus électoral en cours doit être suspendu».
Élection ou pas, ça ne changera pas grand chose à la réalité que vit la population. Cela fait des dizaines d’années que tous ces corrompus pleins aux as, qui sont à la manœuvre au service du patronat, font payer la crise du système capitaliste aux travailleurs et aux classes pauvres. Ils le font en imposant l’austérité : bas salaires, dégradations des conditions de travail, cadences infernales, chômage, licenciements… La JIRAMA qui est sensée distribuer l’eau et l’électricité est devenue incapable d’assurer cette fonction. Pour remplir ne serait-ce qu’un bidon d’eau de 20 litres aux fontaines publiques d’Antananarivo, il faut se lever aux aurores et attendre son tour pendant deux heures. Les voies terrestres de communication sont tellement défoncées qu’il n’est pas exagéré de parler de «routes de l’impossible» sur une partie notable du territoire. La liste des calamités que ce système économique et social infâme et au bout du rouleau impose aux classes pauvres, n’est pas exhaustive.
Le seul espoir pour la population de s’en sortir, c’est le renouveau de la conscience et de la combativité des travailleurs du pays et des autres pays. C’est la classe ouvrière qui produit les richesses sur toute la planète. C’est elle qui demain sera en mesure de renverser le capitalisme et instaurer un système plus juste, dont l’objectif premier sera la satisfaction des besoins de tous.