Éditorial

Les hôpitaux publics malades de l’incurie de l’État

06 novembre 2017

SÉNÉGAL

Les conditions dans lesquelles Aïcha, une jeune fille âgée de 12 ans, est morte le 12 Octobre à l’hôpital de Pikine (banlieue populaire proche de Dakar), ont fortement ému et révolté bon nombre de personnes, dont des mères de famille et pas seulement à Pikine.

Il y a en effet de quoi être révolté quand on apprend que cette fillette est morte après avoir atrocement souffert pour la simple raison que ses parents n’ont pas pu débourser sur le champ la somme de 200 000 francs CFA exigée par l’hôpital avant de commencer toute intervention. Or il s’agissait d’un cas d’extrême urgence car Aïcha a été victime d’un accident domestique grave suivi d’une hémorragie interne. Sa maman a supplié les médecins pour qu’ils fassent quelque chose en attendant qu’elle parvienne à rassembler la somme nécessaire. Ce n’est que très tardivement que les soins ont commencé alors que la jeune fille avait des douleurs intenses, mais c’était trop tard.

La presse locale a relayé cette triste nouvelle dans les pages de faits divers et donné à la mère endeuillée la possibilité d’exprimer sa colère contre « la négligence de l’hôpital de Pikine» dont aurait été victime sa fille. Certains journaux n’ont pas hésité à mettre la faute sur le personnel hospitalier, d’autres parlent de « non assistance à personne en danger ». Des familles indignées par ce scandale ont participé à une marche de protestation dans un quartier de Pikine. Voici ce qu’a déclaré l’une d’elles à la presse : « Nous sommes toutes victimes de cette structure hospitalière. Ils (les responsables) te disent si tu n’as pas d’argent, tu n’es pas soigné. Compte tenu de cette situation, nous mères de familles avons décidé de faire une marche pour la fermeture de cette structure ».

Le gouvernement, par la bouche du ministre de la Santé, a déjà commencé à s’en laver les mains en cherchant des boucs émissaires parmi le personnel hospitalier qui aurait fait preuve de « négligence ». Cela lui permet de masquer sa propre responsabilité dans le délabrement et la vétusté des hôpitaux publics qui sont devenus de vrais mouroirs pour pauvres.

Toute cette campagne de dénigrement du personnel hospitalier de Pikine a fini par provoquer une réaction des employés injustement indexés. Ils ont organisé un rassemblement devant leur hôpital et expliqué à la presse qu’ils ne sont pas responsables du décès de la fillette et qu’ils ont décidé de porter plainte contre X pour diffamation. Ils ont raison de refuser d’être désignés comme des boucs émissaires car ils ne sont pas responsables du mauvais fonctionnement des hôpitaux publics mais au contraire des victimes de la politique désastreuse des pouvoirs qui se succèdent à la tête du pays. Leurs conditions de travail se dégradent au fil des ans. Ils ont fait plusieurs grèves pour exprimer leur mécontentement mais aucun gouvernement n’a apporté ne serait-ce qu’un début de solution.

Alors, les assassins ce sont ceux qui sont au pouvoir et qui ferment les yeux sur la dégradation des hôpitaux publics, ce sont ceux qui se relayent au pouvoir et se remplissent les poches au détriment de la population pauvre qui n’a pas les moyens de s’offrir des soins dans les hôpitaux privés.

Aïcha est morte à cause de la pauvreté ; ses parents n’avaient pas les moyens de l’envoyer en urgence dans un hôpital privé réservé à la minorité privilégiée. Ils font partie des laissés-pour-compte de cette société malade du capitalisme.