La guerre est loin de finir

13 février 2014

Mali

 

Contrairement aux déclarations des politiciens maliens ou français qui avaient affirmé que la « stabilité » et la « paix » règnent de nouveau au Mali après l’« Opération Serval », la guerre se prolonge sous forme de guérilla, d’attentats ou de prise d’otage. L’assassinat des deux reporters de Radio France Internationale (RFI), le 2 novembre dernier à quelques kilomètres de Kidal, dans le nord du Mali, après qu’ils ont interviewé un responsable du MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad) illustre cette situation. Deux jours plus tard, un véhicule qui transportait 38 passagers a sauté sur une mine entre Ansongo et Ménaka, au sud de Gao, faisant 4 morts et des blessés. Quelques jours après, le 8 novembre, un «accrochage» entre des hommes du MNLA et des militaires maliens accompagnés par les soldats français et ceux de la Minusma, (Mission des Nations unies au Mali), a éclaté entre Ménaka et la frontière avec le Niger. Trois membres du MNLA ont été tués. Tout juste avant c’est dans la région de Gao,sur la foire hebdomadaire d’Egazargane que des affrontements ont eu lieu entre une patrouille de l’armée malienne et des présumés éléments du MNLA.

Tous ces faits montrent que le nord du Mali est loin d’être devenu une «zone de stabilité» malgré l’accord de paix signé le 18 juin dernier à Ouagadougou entre les autorités maliennes et les principales organisations touaregs. Jusqu’à présent les autorités maliennes n’ont pas été en mesure de déloger les locaux du gouverneur de Kidal ainsi que ceux de l’ORTM (Office de radio et télévision malienne) toujours occupés par les éléments armés du MNLA. Le gouverneur (qui est la plus haute autorité représentant l’Etat dans cette région), ne peut même pas dormir dans son logement de fonction ! Voilà la réalité sur le terrain même si les dirigeants politiques de Bamako pérorent à longueur de journée sur les antennes que la souveraineté de l’Etat malien sur l’ensemble du territoire a été recouvrée grâce à l’appui de l’armée française et à la «vaillance» des soldats maliens.

Jusqu’ici, l’armée malienne, lorsqu’elle ose s’aventurer dans la région de Kidal ou de Ménaka, s’est surtout illustrée dans des opérations d’exactions à l’encontre des civils présentés comme de «dangereux bandits». Mais ce qui caractérise surtout cette armée, en plus d’être gangrénée par la corruption et le clientélisme, c’est le fait qu’elle est traversée par des rivalités internes (entre bérets rouges et bérets verts, entre tel clan affilié à tel candidat ou telle personnalité politique, entre «paras» et autres «gardes présidentielles», etc.). Ceux qui sont les plus proches du cercle présidentiel sont bien entendu les mieux lotis et décrochent plus facilement des grades, des avancements et des affectations plus lucratives. Et lorsqu’il y a un changement au sommet de l’Etat, après un coup d’Etat ou une élection, cela se traduit aussi par tout un remue-ménage au sein de l’armée tout comme au sein des différents corps d’Etat. La mutinerie qui a éclaté le 30 septembre dernier dans la garnison de Kati (située à 15 kilomètres de Bamako), est une des dernières manifestations visibles de cette rivalité clanique au sein de l’armée.

L’Union Européenne a tout dernièrement accordé une aide au Mali pour donner une formation militaire «professionnelle» aux soldats maliens en pensant qu’une fois «formés», ils pourront être envoyés dans le Nord. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas dans les prochains jours que cette armée sera en mesure de remplacer la force française. Elle n’en a ni les moyens techniques, ni la compétence humaine.

Vraisemblablement donc, la France est installée au Mali (d’une manière ou d’une autre) pour une longue période, d’autant plus que les «forces africaines» dépêchées sur place ne valent pas mieux que celle du Mali. Tous les médias vantent les prétendues qualités de l’armée tchadienne mais si elle avait autant de «qualités», pourquoi donc le régime de Deby à Ndjamena ne peut pas se passer de la présence des paras français présents au pays depuis plus de trente ans?

Ceux qui souffrent le plus de cette guerre au nord du Mali, ce sont surtout les populations civiles dans les villes et les villages. Elles sont les victimes directes de cette guerre (on le voit par le nombre de civils abattus ou torturés) mais aussi des victimes indirectes. Car à cause de cette guerre, le peu d’infrastructures publiques dont ces populations disposaient (hôpitaux, dispensaires, maternités, écoles, routes, etc.) sont soit laissées à l’abandon, soit détruites. La malnutrition, le manque d’eau potable et l’insuffisance des soins médicaux conduisent à l’augmentation de la mortalité. De nombreux habitants étaient partis se réfugier ailleurs et sont revenus en croyant à un rétablissement d’une paix durable. Malheureusement pour toutes ces populations, leur calvaire est loin d’être fini. Ce sont elles qui payent au prix fort cette situation.