La colère de la population pauvre face à la dégradation de sa situation et à l’insécurité
Mayotte
Depuis plusieurs semaines les grands axes routiers qui relient les principales localités de l’île de Mayotte, département français situé dans l’océan indien au large de Madagascar, sont bloqués par la population en colère. A la capitale Mamoudzou, de grandes manifestations réunissant plusieurs centaines, quelques fois plus d’un millier de personnes, continuent de se tenir depuis le début de cette année. Cette situation n’est pas nouvelle puisqu’en 2016, puis en 2017, des mobilisations similaires se sont tenues.
Les syndicats des enseignants et des agents de l’Éducation nationale figurent parmi les organisateurs de la mobilisation actuelle. Ils en ont marre du manque criant de moyens pour enseigner. Certaines écoles primaires et élémentaires situées dans des petits villages sont complètement délaissées par les autorités. Les classes sont surchargées et la plupart des enfants, après avoir effectué plusieurs kilomètres à pieds dans les sentiers boueux, n’ont d’autre choix que celui de rester debout durant les cours ou de s’asseoir à même le sol y compris en cette saison des pluies, qui n’est pas tout à fait finie. Ils ont faim, ils ont soif et sont pour la plupart vêtus de haillons parce que leurs parents sont très pauvres. Le nombre d’élèves a augmenté de 80% en dix ans.
En plus de la dégradation de leurs conditions de travail, les enseignants et le personnel des écoles protestent contre les violences qu’ils subissent. En effet des jeunes sont entrés armés de bâtons et de machettes, dans certains établissements et des cars de ramassage scolaire ainsi que des autobus ont été caïllassés. Cela a amené des chauffeurs de bus à effectuer des « opérations escargots », qui ont paralysé les principales localités.
Le mouvement actuel de protestation est organisé par de multiples organisations. La CGT Educ’action et FO sont dans la mobilisation, mais il y a aussi sur le terrain, des organisations à caractère essentiellement sécuritaires. Il s’agit de différents collectifs, encouragés par la préfecture et soutenus ouvertement par le syndicat patronal Capeb. Ces gens se contentent d’appeler les pouvoirs publics à plus de fermeté à l’égard des pauvres en général et des migrants en particulier, qui sont essentiellement originaires des îles Comores voisines, chassés par la crise et par la misère. Les pouvoirs publics sont à leur écoute puisqu’ils viennent d’annoncer qu’un fort contingent de gendarmes mobiles équipé de véhicules spéciaux, est en train d’être dépêché depuis l’île de la Réunion voisine. On peut faire confiance au gouvernement français, en matière de chasse aux déshérités, pauvres et vulnérables, il a une longue expérience datant des temps coloniaux.
La CGT Educ’action s’est à juste raison désolidarisée de certains groupes en déclarant qu’elle « refuse… de s’associer à des actions stigmatisant une partie de la population ».
Il est inacceptable que les capitalistes mahorais, français ou autres, avec la complicité des gouvernements successifs, réussissent à diviser le camp des travailleurs en les dressant les uns contre les autres pour mieux s’enrichir sur le travail de ceux qui en ont et pour imposer les bas salaires, le chômage et la précarité à une grande partie de la population.