Hissène Habré peut dire merci au coronavirus… et à Macky Sall

30 avril 2020

SÉNÉGAL TCHAD

Le 6 avril dernier, Hissène Habré, ancien dictateur tchadien qui purge actuellement une peine de prison à Dakar, a bénéficié de la clémence du président sénégalais Macky Sall. Celui-ci a «suspendu» sa peine de prison et l’a remplacée par une simple mise en «résidence surveillée». Du coup, Habré est parti vivre tranquillement dans sa résidence privée de Ouakam à Dakar.

Le prétexte trouvé pour le libérer est qu’à l’âge de 77 ans, il serait trop fragile pour supporter une éventuelle contamination par le corona virus dans sa cellule. Lui qui bénéficiait déjà de conditions particulièrement privilégiées en prison (cellule personnalisée, accès au système de santé et autres avantages réservés aux «hautes personnalités») avait certainement moins à craindre de la contamination que bien d’autres détenus «ordinaires» qui, eux, continuent de croupir en prison.

Alerté par cette libération en catimini sous un prétexte qui ne tient pas debout, le Collectif des victimes de la dictature de Habré a vivement protesté. Après quoi les autorités sénégalaises se sont empressées de dire qu’au bout de 60 jours, Habré devra retourner en prison. Certaines questions se posent sur le geste de Macky Sall en faveur de Habré. Ya-t-il eu du marchandage ? De quelle nature ?

Rappelons que cet ancien tortionnaire a été condamné à perpétuité en 2017 à Dakar pour «crimes de guerre et crimes contre l’humanité» commis par son régime entre 1982 et 1990. En outre, le tribunal a exigé le payement de 82 milliards 290 millions de francs CFA (environ 125 millions d’euros) à titre de dommages que Hissène Habré devra verser à ses victimes ayant survécu ou à leurs familles.

Mais trois ans après le jugement, ceux-ci attendent toujours. Entre temps, 125 des plaignants sont décédés sans avoir touché un centime. Voilà pourquoi les survivants du Collectif des victimes alertent les médias pour qu’on ne les oublie pas et pour que le président du Sénégal ne profite pas du contexte de la pandémie pour le libérer définitivement.