Face à la menace d’une nouvelle vague d’émeutes de la faim, les dirigeants au pouvoir multiplient mensonges et démagogies
ÉDITORIAL
En Côte d’Ivoire, comme dans de nombreux pays africains, la peur d’une nouvelle vague d’émeutes de la faim, 14 ans après celle de 2008, hante les dirigeants au pouvoir car cela risque de les emporter, sinon de les mettre en grande difficulté. Certes, à quelques rares exceptions, ce ne sont pas les mêmes qu’en 2008 mais ils n’ignorent pas que la situation est explosive et qu’il suffirait d’une étincelle pour que la colère populaire leur explose à la figure.
Depuis la crise sanitaire de 2020, les prix des denrées alimentaires ainsi que ceux des loyers, transport, gaz, carburant et autres ne cessent de grimper. Des millions de familles qui vivaient déjà dans la précarité, ont vu leurs conditions s’aggraver.
Le salaire des travailleurs, bloqué depuis des années, ne permettait déjà plus de vivre normalement bien avant la flambée des prix de 2020. Le chômage s’est aggravé, de même que les conditions de travail de ceux qui ont encore « la chance » d’avoir du travail car les capitalistes ont profité de la crise économique pour aggraver l’exploitation : encore plus d’heures supplémentaires non payées, de jours de repos supprimés, de cadences, de salaires « à la tâche », de réprimandes et autres sanctions, etc.
La guerre entre la Russie et l’Ukraine a amplifié la crise économique mondiale. La spéculation capitaliste sur les matières premières comme le blé, le maïs, le gaz, le pétrole et bien d’autres produits a créé des pénuries artificielles pour faire flamber les prix. Cela a permis à une petite minorité de parasites et de profiteurs de guerres de faire d’énormes profits en affamant des millions de personnes à travers le monde et plus particulièrement dans les pays pauvres. C’est le système capitaliste dans toute sa monstruosité !
À chaque flambée de prix, la colère gronde dans les quartiers populaires. La question que toutes les mères et tous les pères de familles se posent c’est de savoir comment on va faire pour nourrir la famille avec les prix des denrées qui s’envolent, y compris ceux des produits locaux.
Les dirigeants au pouvoir font semblant de s’en préoccuper et parlent de « mobilisation générale », de « riposte contre la vie chère », mais ils mentent comme des arracheurs de dents, comme leurs prédécesseurs de 2008.
En Côte d’Ivoire, par exemple, le gouvernement a décrété le 9 mars dernier le « plafonnement » de prix sur 21 produits et services pour une durée de trois mois. Il s’agit entre autres, du pain, de l’huile, du riz local, de la viande de bœuf, de l’eau, électricité et transport. En ce qui concerne le pain, par exemple, c’est juste une tromperie puisque si le prix officiel de la baguette dite « normale » est resté « plafonné », son poids en farine a diminué ! Pour les autres produits, c’est à peu près du même tonneau.
C’est ce genre de tromperie que Ouattara veut présenter comme un « renforcement de la sécurité alimentaire » en Côte d’Ivoire. Et quand ça ne fonctionne pas, il cherche des boucs émissaires parmi les petits commerçants de quartiers en les désignant comme responsables des hausses de prix sous prétexte qu’ils ne respecteraient pas le plafonnement des prix. Mais les petits commerçants ne font que répercuter les augmentations imposées par les industriels et les grandes sociétés de négoces qui ont le monopole de l’importation. Ce sont ceux-là qui profitent de la pénurie pour gonfler leurs marges. Ils ne sont jamais inquiétés par l’État, bien au contraire, ils bénéficient de réduction de taxes et de diverses facilités.
Les travailleurs n’ont rien à attendre des prétendues mesures salutaires de Ouattara, pas plus qu’ils n’ont pu compter sur le pouvoir de Gbagbo lors des émeutes de la faim en 2008. Leur salut dépend de leur seule capacité de se mobiliser et de s’organiser pour obtenir des augmentations conséquentes de leurs salaires afin de rattraper les années de blocage et pour exiger en même temps que leurs salaires soient dorénavant indexés sur le coût réel de la vie, c’est-à-dire qu’à chaque fois que les prix montent, les salaires doivent aussi monter.
Les travailleurs ont les moyens d’imposer leurs exigences par la lutte s’ils prennent conscience de la force sociale qu’ils représentent, c’est-à-dire de leur nombre et du rôle essentiel qu’ils jouent dans l’économie. Sans eux, rien ne pourrait fonctionner, aucune production ne pourrait sortir, aucun bâtiment ne pourrait se construire. Les capitalistes ont besoin de notre force de travail pour s’enrichir et sont prêts à tout pour nous maintenir esclaves de leur système d’exploitation. Mais le prolétariat, la classe des travailleurs, finira par trouver les moyens de son émancipation et en même temps celle de toute la société.