Élection présidentielle sur fond de crise
Madagascar
La campagne électorale pour le premier tour de l’élection présidentielle prévu pour le 24 octobre, est en cours. Trente-trois candidats sont en compétition. Une grande majorité d’entre eux ont occupé des postes ministériels et/ou des hautes fonctions dans les gouvernements qui se sont succédé. Certains ont assuré de hautes responsabilités à la tête d’institutions telles que l’armée et la police. Les multiples confréries chrétiennes qui ont proliféré au fur et à mesure que la crise frappait les classes pauvres, sont présentes dans cette campagne. Certaines soutiennent un pasteur protestant, d’autres font la propagande en faveur de tel ou tel notable argenté qui fait preuve de largesse à leur égard.
Mis à part l’uniforme, le costume civil ou l’habit religieux, bien malin celui qui réussirait à détecter l’ombre d’une différence entre les candidats en lice. Qu’ont-ils à faire valoir auprès des classes pauvres dont ils sollicitent les voix? Ils ne prennent même pas la peine d’avoir un semblant de programme. D’ailleurs à quoi bon puisqu’ils ont trempé dans tous les régimes et se sont compromis auprès de tous les affameurs capitalistes quand ils n’en sont pas eux-mêmes. Des hommes d’affaires sont en bonne place sur la liste. Ils ne se sentent nullement gênés de débarquer de leur avion personnel ou de leur hélicoptère jusque dans des contrées reculées où les villageois n’ont parfois d’autre moyen de se déplacer qu’en marchant pieds nus ou en charrettes à zébus. Les représentants des «fokontany» (communautés de quartiers ou de villages) auront au préalable distribué quelques billets de banque, des pagnes ou des T-shirts à effigie du candidat et portant son numéro sur les panneaux électoraux et les bulletins de vote. C’est l’occasion aussi pour les groupes musicaux chargés de l’animation de s’exprimer sur le podium. Certains groupes dépêchés sur place, chantent les louanges du candidat mais les gens humbles viennent surtout pour le spectacle et les quelques slogans de toute façon creux, lancés dans les hauts parleurs, ne sont que peu repris. Des personnes auront fait un repas ce jour-là et auront un peu oublié, l’espace de quelques heures la dureté de leur quotidien.
Il arrive que certains candidats rusent pour que les gens viennent à leurs meetings. Ils font miroiter des sommes sans les régler en totalité. Les notables locaux en charge de l’organisation de ces réunions empochent les billets en n’en délivrant qu’avec parcimonie à l’assistance venue bénéficier des «indemnités». Les membres d’un comité de soutien auraient, pour ce type de raison caillassé le local de leur propre candidat dans la ville d’Antsirabe le 24 septembre dernier. D’autres cas similaires auraient eu lieu ailleurs.
Cette élection est une mascarade destinée à mettre en place un régime prétendument démocratique sous prétexte que le futur président serait sorti des urnes contrairement à celui qui occupe ce poste actuellement et depuis cinq ans. Les grandes puissances ont débloqué des sommes pour l’organisation du scrutin et vont dépêcher leurs observateurs pour vérifier que les opérations sont «conformes aux normes internationales». Selon la presse, 106 observateurs seront issus des pays de l’Union Européenne, une cinquantaine de l’Organisation Internationale de la francophonie, 60 de l’Union Africaine et près de 75 de l’ambassade des États-Unis à Madagascar. Un nouveau président sortira des urnes pour remplacer le dictateur usé, comme en Côte d’ivoire, comme au Mali, avec les résultats que l’on sait. Les affaires des possesseurs de capitaux, ralenties par le climat d’incertitude et d’instabilité, pourront peut-être reprendre.
Les classes pauvres face à l’élection.
Dans les villes peu de personnes se font des illusions sur la personne des candidats mais nombreux, y compris parmi les travailleurs et de façon générale les petites gens, souhaitent que les élections annoncées depuis de nombreuses années et sans cesse reportées, aient enfin lieu. Ils souhaitent que la crise politique se termine avec cette élection et que la vie retrouve son cours «normal», que le boulot revienne, que les salaires soient augmentés, que les agents de l’État et des collectivités touchent leurs payes et que celles-ci permettent de s’en sortir, que la vie de galère cesse, que les hôpitaux et les écoles fonctionnent etc. Ce sont des illusions électoralistes, bien sûr car aucune élection ne peut changer la vie surtout qu’aucun candidat ne se réclame des travailleurs et n’est porteur de leurs aspirations.
Dans les villages surtout là où les «dahalo» (voleurs de bétails et pilleurs en tout genre) sévissent en bandes organisées, ce sont surtout les problèmes d’enclavement et de sécurité qui prédominent chez les éleveurs et les agriculteurs souvent victimes des razzias armées perpétrées par ces bandits. Les atermoiements de l’État sont mis sur le fait que les dirigeants se font la guéguerre entre eux depuis cinq ans que dure le régime dit de transition auquel il serait temps de mettre fin.
Les candidats promettent pêle-mêle de mettre fin à tout cela pour demain ( avec quel moyen?) alors qu’ils ont surtout brillé par leur impuissance face à tous ces fléaux hier quand ils dirigeaient.
La santé malade du capitalisme
L’hôpital de Befelatànana, un parmi les plus grands que compte la capitale Antananarivo, est en train de se délabrer pour cause de manque de crédit. La plupart des chambres ainsi que les toilettes sont sans eau courante pour cause de détérioration des canalisations. Les familles des malades sont obligées d’aller puiser de l’eau à l’aide de seaux dans une fontaine située dans la cour, pour que le malade puisse boire et se laver un minimum. Une odeur malsaine émane depuis les toilettes sans chasse d’eau et plane à travers les chambres et les couloirs.
Il est vrai que cet hôpital est surtout fréquenté par les classes pauvres. Ceux qui ont un peu plus d’argent ont au cours des ans délaissé cet endroit au profit de l’hôpital Girard et Robic, moins délabré. Quant à ceux qui sont riches, ils fréquentent les nombreuses cliniques privées qui ont poussé malgré la crise, comme des champignons à travers le pays ou bien prennent l’avion pour aller se faire soigner à l’Île de la Réunion, voisine.
Les priorités des uns et celles des autres
Le passage du cyclone en janvier/février dernier dans la ville de Toliara a été catastrophique. Pratiquement rien n’a été fait pour venir en aide aux victimes des vents violents et de la rupture en plusieurs endroits de la digue de la rivière Fiherenana. La nouvelle saison des pluies approche, mais la digue n’est que sommairement réparée faute de moyens. Les classes riches qui n’ont fait preuve d’aucun acte de solidarité minimum lors de cette tragédie et leurs porte-voix mettent sur le dos des habitants des bas quartiers, essentiellement des gens pauvres, la responsabilité de la fragilisation de la digue par suite disent-ils de prélèvements illicites des pierres effectuées nuitamment pour servir de matériaux de construction des maisons en contrebas. Des grillages qui maintenaient ces pierres auraient été découpés également à des fins de récupération ou de vandalisme.
Le gouvernement dit ne pas avoir beaucoup de moyens pour investir dans du solide et du durable et se contente de parer au plus pressé. Cela ne l’empêche pas de faire des dépenses de prestige car dans cette même ville une grande avenue bordée de baobabs a été récemment inaugurée par le président Rajoelina en personne. Un grand hôtel, appartenant à un riche du coin, pour touristes en provenance des pays riches, en forme de paquebot et bénéficiant d’une piscine et d’équipements modernes vient d’être inauguré. Le ministre du tourisme ainsi que des personnalités de haut rang étaient présents ce jour-là. Pour de telle
s infrastructures, les pierres n’ont pas manqué ni même peut-être le marbre. Ces exemples montrent où les gens qui possèdent et les gens qui gouvernent, placent leurs priorités.