Après huit mois de nouveau régime
Madagascar
Les images de gigantesques nuages de criquets pèlerins traversant le ciel d’Antananarivo la capitale, ont été relayées par plusieurs chaines de télévision à travers le monde. Pour les paysans pauvres de ce pays, lorsque ces insectes s’abattent sur les champs de culture, c’est la ruine. Le phénomène n’est certes pas nouveau mais il s’aggrave d’une année sur l’autre. Les pouvoirs publics disent ne plus avoir assez d’argent dans leurs caisses pour faire face au fléau.
Il n’y a pas que les criquets qui prolifèrent. Il y a aussi les voleurs de bétail et ils n’hésitent pas à massacrer les villageois lorsque ceux-ci leur opposent de la résistance. Ils mettent le feu aux habitations des hameaux estimés récalcitrants et bénéficient de complicités multiformes car la police, la gendarmerie et l’armée, sont gangrénées par la corruption.
Au nom de la lutte contre le banditisme, les gendarmes locaux de certaines localités du sud-ouest ont instauré un genre de passeport. Ce nouveau document très difficile à obtenir est exigé par eux aux entrées et sorties des villages, surtout les jours de marché hebdomadaire. Les échanges économiques se trouvent du coup fortement ralentis, avec pour conséquence, l’aggravation de la pauvreté dans ces régions déjà très touchées en temps ordinaire. De nombreuses personnes sont ainsi considérées comme « sans papiers » dans leur propre pays. Le peu d’argent qu’elles possèdent est dépouillé par les gendarmes véreux sans compter les passages à tabac auxquels ils se livrent. A tel point que beaucoup se demandent si ces gendarmes ne sont pas plus à craindre que les trafiquants de zébus qu’ils prétendent combattre.
Le chef de l’Etat continue d’effectuer des tournées à travers le monde, pour ses propres affaires, mais aussi pour solliciter des aides en tout genre auprès des grands de ce monde. Son objectif prioritaire affiché est « la restauration de l’autorité de l’Etat ». Il voudrait aussi que les fonds qui lui avaient été miroités par les grandes puissances et par les institutions qui dépendent d’elles, soient débloqués dans leur totalité, ce qui semble ne pas être tout à fait le cas actuellement. En attendant, il fait fonctionner la planche à billets. L’inflation qui en résulte est tellement forte que les prix ne cessent de flamber et le pouvoir d’achat des classes pauvres ne cesse de dégringoler.
Des grèves ponctuelles éclatent ici ou là, la dernière en date étant celle des agents au sol d’Air Madagascar. Ils protestent contre l’inscription de leur compagnie sur la « liste noire » de l’Union Européenne et contre les menaces qui pèsent sur leurs emplois.
De nombreux travailleurs des zones industrielles n’hésitent pas à contacter les syndicats pour défendre leur cause. Les responsables syndicaux se contentent de chercher un terrain d’entente avec les patrons ou à porter certains conflits devant les tribunaux. Entre la corruption des fonctionnaires par les patrons et les lenteurs administratives, de nombreuses affaires trainent en longueur, finissant par lasser les travailleurs.
Cela fait huit mois que le nouveau pouvoir est en place et qu’il a réussi plus ou moins à faire lanterner les classes pauvres. Les « frémissements » actuels dans le monde du travail, aussi timides qu’ils soient, sont-ils le signe d’un début de renouveau de la conscience des travailleurs ? C’est à souhaiter car les travailleurs n’ont aucune illusion à se faire à l’égard du nouveau régime même si contrairement au précédent qui a duré cinq ans, il se prévaut d’être sorti des urnes.