Affrontements préélectoraux sur fond de misère

12 mai 2018

Madagascar

Le 21 avril des centaines de personnes se sont rassemblées sur la place du 13 mai située en plein centre d’Antananarivo capitale du pays. Dans les affrontements avec les forces de l’ordre qui s’en sont suivis, il y a eu entre deux et cinq morts parmi les manifestants et de nombreuses personnes ont été grièvement blessées. Ce rassemblement interdit par les pouvoirs publics s’est constitué à l’initiative d’un certain nombre de députés de la mouvance TIM de l’ancien président Ravalomanana et de la mouvance MAPAR de Rajoelina son adversaire d’hier et successeur. Tous ces gens sont descendus sur la place publique pour dénoncer les nouvelles lois électorales.

En faisant cela ils ont entrouvert le couvercle de la marmite du mécon-tentement de la population pauvre. Nombreux sont ceux qui n’en peuvent plus d’errer à longueur de journées à la recherche d’un peu de nourriture pour tromper la faim. Ce pays qui est classé 5ème parmi les plus pauvres de la planète compte beaucoup de personnes qui n’ont pas un toit pour passer la nuit, de personnes qui n’ont pas de moyens de se soigner contre des maladies telles que la peste, le paludisme et la liste est longue. Une partie des manifestants est constituée d’adolescents ayant grandi dans les rues ou dans les immeubles délabrés et insalubres devenus des squats.

Les élections présidentielle puis législative auront lieu dans environ sept mois et le président Rajaonarimampianina pas encore déclaré candidat ainsi que son parti HVM, font tout pour écarter leurs concurrents : révision des listes électorales, durée des campagnes réduite à sept jours au lieu de quinze, utilisation de bulletins uniques, aggravation des conditions nécessaires à la candidature à la présidence, etc.

Ravalomanana au pouvoir entre 2002 et 2009 s’y était considérablement enrichi. Il avait fait main basse sur les produits laitiers et les huiles de consommation à travers sa société Tiko, grâce à l’appui financier de la Banque Mondiale. Durant ses sept ans de pouvoir, Tiko est devenu un empire économique très puissant ayant le monopole sur les produits à base de lait, sur les jus de fruits et l’eau minérale. La chaine de distribution Magro est également la propriété de Ravalomanana. La population pauvre était exsangue mais cela n’empêcha pas le président de se payer un Boeing 737 à des fins personnelles, en puisant dans les caisses de l’État.

Cela a suscité tellement de mécontentements dans le pays que d’énormes manifestations avaient eu lieu durant plusieurs mois dans les grandes villes. Les manifestations, les marches et les rassemblements multiples ont fini par contaminer une partie de l’armée au point de donner lieu à une mutinerie dans certaines casernes.

Rajoelina ancien maire de la capitale qui a dirigé le régime dit de transition de 2009 à 2013 à la faveur de cette mutinerie dans l’armée, était lui aussi un homme d’affaires. Mais le fait qu’il dénonce quelques abus du président et de son clan, lui a permis de bénéficier d’un peu de popularité et d’écarter le président honni. Les ennemis d’hier se sont rabibochés et semblent aujourd’hui faire cause commune. Le nombre de morts parmi les gens pauvres qui les ont suivis dans leur course pour le pouvoir, semble oublié.

Depuis le 21 avril des rassemblements à l’appel des « 73 députés pour le changement » ont lieu chaque jour au centre de la capitale. Leur position a évolué puisqu’aujourd’hui leur mot d’ordre est « Miala ! » (Dégage !).

Le général Solofonirina porte parole des FDS (Forces de Défense et de Sécurité) accompagné de quelques autres galonnés, a donné une conférence pour sommer « les acteurs politiques d’entamer le dialogue ». La Haute Cour Constitutionnelle a annulé une partie des lois électorales contestées. Cela traduit le malaise qui s’instaure dans la tête des généraux et des hauts agents de l’État.

La classe ouvrière

Dans plusieurs grandes villes du pays telles qu’Antananarivo, Antsirabe, Toama-sina, des zones industrielles existent dans lesquelles sont concentrés des milliers de travailleurs d’usines. Les entreprises de textile fournissent de grandes chaines de magasins tels que Zara, Camailleu, Décathlon et bien d’autres. Ces sociétés réalisent des profits importants grâce à l’exploitation des travailleurs. Ceux-ci ne baissent pas les bras pour autant et des luttes pour la défense de leurs conditions d’existence éclatent de temps en temps malgré la répression et malgré la corruption des dirigeants syndicaux. Il faut espérer qu’à la faveur de la crise actuelle, les travailleurs prennent conscience des intérêts propres à eux et trouvent le chemin de la lutte collective. Cette lutte pourrait susciter un espoir pour tous les déshérités de ce pays.