À peine inauguré, le nouvel aéroport est paralysé par une grève
SÉNÉGAL
C’est avec faste et grand tapage médiatique que, le 7 décembre dernier, le président sénégalais Macky Sall a inauguré le nouvel aéroport Blaise-Diagne de la capitale sénégalaise. Mais le flonflon présidentiel a été gâché par les contrôleurs aériens qui se sont mis en grève et paralysé l’aéroport flambant neuf le 15 décembre.
Les grévistes exigent le paiement d’une indemnité de transport ou d’un transport collectif approprié, une cantine pour se restaurer ainsi qu’un lieu de repos pour ceux qui sont d’astreinte. Ils demandent aussi l’embauche de nouveaux contrôleurs ainsi qu’une formation sur le nouveau matériel car ils estiment qu’avec leur nombre et leur formation actuelle, ils ne peuvent pas assurer la sécurité du trafic. Dès le 22 novembre ils ont envoyé un préavis de grève mais le gouvernement est resté sourd à leurs revendications. Qu’il ne s’étonne pas alors que sa fête soit gâchée!
La grève a été suspendue le lendemain 16 décembre après une rencontre avec le Premier ministre et les grévistes. Ils ont montré que sans eux, les avions ne peuvent ni atterrir ni décoller.
L’idée de construire ce nouvel aéroport en plein milieu de la brousse est un caprice de l’ancien président Wade. Dans sa folie mégalomaniaque, celui-ci avait décidé de se lancer dans des projets aussi coûteux qu’inutiles pour inscrire son nom dans la liste des «visionnaires» et des « bâtisseurs » africains.
Dakar possède déjà un aéroport international. Qu’importe, Wade voulait « son » aéroport. Ce fut un gouffre sans fond pour les caisses de l’État mais en même temps une aubaine pour les amis capitalistes de Wade. Le contrat fut donné à une société saoudienne de BTP pour un montant de 200 milliards de francs CFA (305 millions d’euros). Les travaux ont démarré en 2007 et auraient dû être terminés en 2012 mais à cette échéance-là, à peine plus de 10% des travaux étaient réalisés. Suite à un contentieux avec le groupe saoudien, l’État sénégalais confie les travaux à un groupe turc en 2015. Entretemps, le coût a plus que doublé et est passé à 424 milliards de francs CFA (646 millions d’euros).
Pour la réalisation de cet aéroport, il a fallut chasser les habitants de trois villages, soit plus de 2500 habitants. Quelques indemnisations symboliques leur ont été proposées pour leurs champs agricoles et pour leurs manguiers abattus. L’État sénégalais avait promis de les reloger dans de nouveaux villages comprenant la construction d’un bâtiment pour servir de marché et d’une aire de jeux pour les jeunes. Mais jusqu’à présent, ce qui a été promis n’a pas vu le jour et risque d’être jeté aux oubliettes si les victimes ne s’organisent pas pour se faire entendre des autorités.
De nombreuses personnes au Sénégal se disent que c’est bien beau d’avoir un bel aéroport mais à quoi ça sert de gaspiller autant d’argent alors que les hôpitaux et les écoles publics manquent cruellement de moyens pour leur bon fonctionnement ? Des gens meurent dans les hôpitaux publics parce qu’ils manquent de tout, des familles ne peuvent pas inscrire leurs enfants dans les écoles publiques parce qu’il n’y en a pas assez ou parce qu’ils n’arrivent pas à payer les frais de scolarité. Mais les dirigeants de ce pays, au lieu de venir en aide aux plus nécessiteux, préfèrent gaspiller l’argent public dans des futilités. Mais il faut savoir que ce n’est pas de l’argent perdu pour tout le monde. Les gros capitalistes du BTP sont les premiers gagnants mais les miettes que nos dirigeants ramassent au passage sont loin d’être négligeables et c’est en fonction des dessous de table qu’ils choisissent leurs partenaires.