Zone industrielle de Koumassi : un renvoi révoltant !
Le quotidien des travailleurs
Ceci est un témoignage d’un travailleur sur les conditions de travail dans son entreprise :
« Le renvoi d’un collègue de travail m’a révolté. C’était un ancien. Il travaillait dans une usine de fabrique de chaussures en plastique dans la zone industrielle de Koumassi.
Comme beaucoup d’usines dans cette zone, aucune enseigne ne mentionne son existence, à part de hauts murs. On peut tout juste lire sous les semelles des sandalettes que nous fabriquons, un tampon « Mys.Plast ». Nous sommes environ 600 travailleurs dans cette usine. Le salaire, 3.800 Fr, est payé au jour le jour et en espèce à la fin du service, comme à des travailleurs de passage.
L’usine tourne 24h/24, avec trois équipes : à 6h30, 13h30 et 21h30. Les embauches s’effectuent au jour le jour, à la prise de service. Il arrive souvent que l’employé chargé de l’embauche exige 1000 Fr chaque jour au travailleur avant de le sélectionner, surtout aux tout nouveaux.
Les travailleurs n’ont généralement aucune garantie, ni du service qu’ils effectueront, ni même s’ils seront pris. Mais quand il n’y a pas assez d’ouvriers présents à la prise du service, les petits chefs exigent de l’équipe de descente qu’elle fournisse le nombre de bras manquants pour compléter l’équipe montante. Dans ces cas, certains sont obligés de se sacrifier et effectuer à la filante un nouveau cycle de 8 heures de travail, sous la menace de ne pas être repris la prochaine fois.
Ce collègue renvoyé se trouvait à la « section semelle ». Elles sont en plastiques et sortent brûlantes des moules. On doit les manipuler pour en retirer aussitôt la « carotte » (l’excès de matière) et refermer le moule. Les risques d’accidents sont nombreux. Le danger est encore plus grand pour ceux qui sont à leur deuxième, voire troisième service sans discontinuité.
À cela s’ajoute des conditions de travail particulièrement pénibles. On y respire de la vapeur toxique qui émane du plastique en fusion et aussi de la colle, pour ceux qui travaillent à la section colle. Il n’existe pas d’aération adéquate. L’air y est tellement pollué que les nouveaux ouvriers, par manque d’habitude, sortent en titubant à la fin de service. Il y fait aussi tellement chaud que beaucoup travaillent torse nu. D’ailleurs, aucune tenue de travail ni un équipement de sécurité n’est fourni. Même pas des gants, alors que les risques de brûlure et de blessure sont quotidiens ! Chacun se débrouille avec ses moyens. Si par malheur un ouvrier est en arrêt pour cause d’accident de travail, il ne percevra aucun salaire pour ses jours d’arrêt. C’était le cas d’un ouvrier blessé récemment. Ses plaintes n’y ont rien changé !
Dans cette « section semelle » il y a trois types de machines. Certaines où on travaille par groupe de trois ; d’autres, par groupe de quatre ; et pour la dernière, il y a sept ouvriers sur la machine. Il s’agit d’un travail à la chaîne. Le rendement imposé est tel qu’il est difficile de tenir durant huit heures. Voilà pourquoi l’organisation est faite de telle sorte que chacun a droit à un temps de repos à tour de rôle durant son service.
Notre collègue finissait justement son cycle et devait aller se reposer quand le petit chef lui a demandé de changer de machine. Celui-ci a naturellement refusé, lui expliquant que c’était son tour de repos. Ce refus n’était pas du goût du petit chef qui l’a aussitôt mis dehors, sans même lui payer sa journée de travail !
Depuis lors, de nouvelles machines ont été installées. Sauf que maintenant les effectifs ne sont pas toujours au complet ; il manque l’élément supplémentaire permettant à l’équipe de souffler à tour de rôle. Cela, sous prétexte qu’ils n’ont pas trouvé assez d’ouvrier à l’embauche devant l’usine ».
Ce sont là des conditions de travail courantes dans les usines, aussi bien à Koumassi, qu’à Yopougon. Les patrons, leur encadrement, jusqu’aux petits chefs se comportent souvent comme des bandits. Ils usent de toutes sortes de menaces pour imposer leur dictature et une exploitation féroce. Les travailleurs, n’ont pas d’autres choix que de leur opposer aussi leur propre organisation pour se défendre collectivement. Plus leur organisation sera conséquente et structurée, moins les patrons arriveront à imposer une exploitation selon leur volonté.
Ainsi, par exemple, dans cette entreprise, même l’augmentation de 15.000 Fr annoncée par le gouvernement et payable pourtant à compter du 1er janvier n’est toujours pas effective. Ça murmure parmi les travailleurs et le mécontentement ambiant augmente. La colère finira par exploser.