Yun Yuan : une scierie aux méthodes archaïques
Le quotidien des travailleurs
YUN YUAN est une petite scierie située à la zone industrielle de Yopougon, commune d’Abidjan. Elle emploie en moyenne une trentaine de personnes : ouvriers et personnel de bureau compris. À l’entrée de cette petite unité, il est écrit, « Interdit à toute personne étrangère » et à côté de cet écriteau, un autre indique qu’il faut être chaussé, porter un casque, des gants et autres matériels de sécurité pour y pénétrer. Mais la réalité pour les travailleurs qui y travaillent est toute autre.
Voici le récit d’un ouvrier :
« Notre entreprise existe depuis quelques années seulement. Mais la Direction a changé plusieurs fois. Presque chaque année, un nouveau directeur est nommé et l’ancien retourne en Chine. Nous ne savons pas pourquoi ce changement. Mais ce que nous savons c’est que cela nous pose beaucoup de difficultés quant à revendiquer les meilleures conditions de travail et de vie. À chaque fois, le nouveau directeur nous fait croire qu’il vient d’arriver et qu’il lui faut du temps pour s’imprégner de la réalité. Ce temps suffit juste pour nous exploiter et ensuite, on le renvoie dans son pays d’origine. Or les conditions de travail sont très difficiles. Nous commençons le travail le matin à 7 h 30. Il y a une pause de 55 minutes à midi et nous descendons à 17 h 30, soit 9 heures de travail par jour. Quand les morceaux de grume arrivent, une fois coupés, nous prenons des piques pour les pousser et les mettre sur les rails. A la force de nos bras, nous les poussons jusqu’à la grande machine qui doit les scier. De là, d’autres ouvriers doivent les ramasser à la main pour les stocker et ensuite les embarquer dans des camions pour la livraison.
Tout ce dur boulot se fait manuellement, sans gants, ni casque, ni chaussures de sécurité, contrairement à ce qui est écrit à l’entrée. La Direction n’est pas prête à utiliser des machines-fourchettes pour nous faciliter la tâche. Et pire, quand le travail n’est pas terminé dans l’après- midi, nous sommes souvent sommés de rester jusqu’à 18 voire 19 heures. Le lendemain il faut se présenter à l’heure sans quoi tu es viré.
Mais ce qui fait aujourd’hui grincer les dents aux travailleurs c’est qu’en plus des conditions difficiles de travail, les salaires sont bas. Quand un travailleur est recruté, la première semaine il touche 2300 F par jour et à partir de la deuxième semaine, 2500 F. C’est le salaire de base que la majorité touche. Les quelques rares ouvriers qui touchent 2700, c’est après au moins cinq mois de travail. Quant aux ouvriers qualifiés comme les machinistes, ils ont entre 3000 et 3500 F par jour ».
Face à cette exploitation et ces conditions de travail difficiles, les travailleurs ont compris que sans une organisation et sans l’unité entre eux, ils seront toujours une proie facile pour ce patron. C’est pourquoi, depuis quelques semaines ils se réunissent pour mettre cette organisation en place. Cela commence timidement avec la moitié de l’effectif mais ils ont la volonté d’aller plus loin, c’est à dire, porter leurs revendications à la connaissance de la direction.