Un régime assassin et moyenâgeux

16 janvier 2015

Mauritanie

 

Le 24 décembre dernier, le tribunal de Nouadhibou a prononcé la condamnation à la peine capitale pour Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir, âgé de 29 ans, pour « crime d’apostasie ». Il est accusé d’avoir écrit sur une page d’internet des « propos blasphématoires » contre l’islam. Avant même d’être jugé, il a déjà passé une année en détention. Son crime c’est d’avoir osé dénoncer, à juste titre, des écrits des théologiens locaux (considérés comme des « écrits saints ») dans lesquels sont justifiés entre autres les pratiques liées à l’existence des castes dans ce pays. Ces écrits justifient par exemple que la caste des forgerons, les « maalemines », (à laquelle fait partie l’accusé) soit considérée comme au plus bas de l’échelle sociale. Jusqu’aujourd’hui le système des castes existe dans la société mauritanienne, et la caste des forgerons est toujours méprisée par les castes dites « nobles » dont font partie les Beïdanes, qui détiennent les postes clés du pouvoir politique et économique.

Dans ce pays qui est une « République islamique », où la charia est en vigueur, il n’est pas aisé de formuler une critique à l’encontre de la religion, ni même des pratiques sociales rétrogrades sans risquer sa vie. L’athéisme tout comme le simple refus de prier sont condamnés sévèrement. Quiconque est accusé d’homosexualité ou d’adultère risque la lapidation.

Ce n’est pas la première fois que les autorités mauritaniennes prononcent une telle peine à l’encontre de ceux qui osent critiquer l’Islam tel qu’il est pratiqué en Mauritanie. Déjà en avril 2012, un militant anti-esclavagiste, Biram Ould Dah Ould Abeid, avait été arrêté pour avoir symboliquement osé incinérer en public des ouvrages musulmans justifiant la pratique de l’esclavage dans ce pays. Le dictateur mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, avait alors assuré qu’il appliquerait la charia avec la plus grande sévérité mais le militant anti-esclavagiste avait finalement été libéré en septembre 2012, après plus de quatre mois de détention préventive, pour « raisons de santé ».

Dans pareille situation, le geste de Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir est un acte de courage que toute personne éprise de liberté et de progrès devrait saluer. Mais il faut croire qu’en dehors de l’organisation anti-esclavagistes (IRA-Mauritanie), l’accusé n’a pas trouvé grand monde pour le défendre, tant l’emprise des mouvements islamistes et la crainte de la répression venant de l’appareil d’État sont fortes dans ce pays. Il faut rappeler que dès le lendemain de l’arrestation de cet homme au début de l’année 2014, un homme d’affaires (et prédicateur en même temps) de Nouadhibou a proposé l’équivalent de 4 000 euros à quiconque assassinerait le « blasphémateur ». Dans les mosquées, des imams ont proféré des propos de mêmes acabits. A leur appel, de nombreux fidèles sont descendus dans les rues pour réclamer sa mort. Cet homme d’affaire et ces imams n’ont nullement été inquiétés par le pouvoir. Bien au contraire, le dictateur mauritanien a déclaré à leur intention que : « La justice s’est saisie de cette affaire et elle fera son travail mais soyez certains que l’islam est au-dessus de tout, de la démocratie et de la liberté ». Dans ces conditions, l’accusé Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheitir n’a même pas trouvé un avocat indépendant pour le défendre devant le tribunal. C’est finalement un avocat commis d’office qui l’a défendu avec, on le sait quelle efficacité ! Il risque à tout moment d’être pendu ou assassiné par des fanatiques.

A l’extérieur de la Mauritanie, seules quelques ONG agissant sur le plan des droits humains ont porté à la connaissance de l’opinion publique cette condamnation à mort et dénoncé cette sentence moyenâgeuse. Quant aux dirigeants de l’impérialisme français qui sont si prompts à réagir (surtout verbalement) lorsqu’il s’agit des droits démocratiques bafoués en Chine, à Cuba ou dans un pays où le régime n’est pas à leurs bottes, ils n’ont même pas fait une simple critique à l’encontre du dictateur mauritanien qui est un de leurs valets. Mais il ne faut pas s’en étonner car ils ont toujours agi de la sorte avec les dictateurs africains de leurs anciennes colonies.