Un pouvoir viscéralement incapable d’éradiquer l’esclavage

10 avril 2014

Mauritanie

Trente-trois ans après son abolition officielle, la pratique de l’esclavage existe toujours en Mauritanie. Certes, c’est une pratique très ancienne dans ce pays et elle est assez ancrée dans la composante traditionnelle de l’ethnie arabo-berbère, mais il faut dire que les autorités politiques de ce pays ont toujours été complaisantes envers ceux qui traitent encore au 21ème siècle leurs semblables comme leur propriété.

Pour montrer qu’il est « déterminé » et veut « éradiquer » cette pratique, le gouvernement mauritanien a adopté, le 6 mars dernier, « une feuille de route » élaborée avec l’appui de l’ONU. Elle comprend un certain nombre de mesures telle que la création d’un tribunal spécial pour juger les crimes d’esclavage. Des juges spéciaux vont être formés et des ONG seront autorisées à porter assistance aux victimes qui veulent déposer une plainte en justice contre leurs « maîtres ».

Mais tout cela n’est que de la poudre aux yeux. Selon le président de l’organisation anti-esclavagiste IRA (Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste) : « depuis l’édiction de la loi criminalisant ou incriminant l’esclavage en 2007, ce sont les anti-esclavagistes qui sont allés en prison, en réclamant l’application de cette loi […] il n’y a aucune volonté à l’intérieur du pays, aucune volonté du gouvernement, qui continue à mener une campagne de diabolisation contre les militants anti-esclavagistes. Et aucun tribunal mauritanien n’a rendu un jugement sanctionnant un esclavagiste, malgré les cas des affaires avérées ».

Les dirigeants politiques mauritaniens sont d’autant plus complaisants envers la caste privilégiée qui pratique l’esclavage qu’eux-mêmes font partie de cette caste. Par contre, ils n’hésitent pas à emprisonner et à réprimer les militants anti-esclavagistes qui osent protester publiquement contre cette barbarie. C’est ainsi que sept militants abolitionnistes ont été emprisonnés à la suite d’une manifestation organisée à Nouakchott en avril 2012, au cour de laquelle ils ont brulé symboliquement des livres de droit musulman justifiant la pratique de l’esclavage. Ce geste public a provoqué des manifestations de colère de milliers de Mauritaniens à travers le pays, certains exigeant « vengeance » contre ces militants. Ce n’est qu’en septembre 2012 qu’ils ont été libérés suite à diverses pressions internationales, notamment celles des États-Unis et de l’ONU.

Une autre association militant contre l’esclavage, SOS esclavage, a dû attendre dix ans pour n’être finalement reconnue qu’en 2005 par les autorités mauritaniennes.

L’abolition officielle de l’esclavage dans ce pays en 1981 n’a été en effet, qu’un geste purement symbolique. Et la prétendue volonté de l’actuel dictateur Mohamed Ould Abdel Aziz de « l’éradiquer » n’est qu’une gesticulation de plus, destinée à redorer le blason de l’État mauritanien sur la scène internationale. Et ceux qui luttent contre l’esclavage en Mauritanie ont mille fois raison de ne pas prendre pour argent comptant les déclarations d’intention du régime dictatorial.

Cette pratique existe, sous une forme ou sous une autre, dans de nombreux pays africains, y compris là où les dirigeants affirment qu’elle n’existe pas. Elle ne disparaitra réellement, comme toutes les autres survivances des pratiques rétrogrades du passé, que lorsque les travailleurs renverseront la classe des exploiteurs et prendront le pouvoir entre leurs mains pour éradiquer définitivement toutes formes d’oppression et d’exploitation de l’homme par l’homme