Un accouchement périlleux dû à l’insuffisance des infrastructures hospitalières et à la pauvreté

05 juin 2014

CÔTE D’IVOIRE

Voici ci-dessous l’histoire vécue par un travailleur journalier dont la femme a accouché dans des conditions difficiles et éprouvantes.

«Dans mon esprit, je partais accompagner ma femme rapidement à la maternité pour ensuite continuer au boulot. Avec sa sœur et mon frère, nous l’avons rapidement emmenée à la maternité Henriette Konan Bédié d’Avocatier car c’est la plus proche de chez nous. Elle a été rapidement admise en salle d’accouchement. Après un long moment d’attente, on m’a fait savoir que l’enfant ne venait pas. Donc pour faciliter l’accouchement, on m’a dressé une ordonnance que je devais payer. Ce que je fais sans me poser de question. Après quelques heures, la sage-femme nous fait savoir que le cas de ma femme dépasse leurs compétences et qu’il faut qu’elle soit évacuée dans une maternité un peu plus équipée, en l’occurrence, l’Hôpital Général d’Abobo. Là encore, après avoir payé le kit d’accouchement, on me fait payer une autre ordonnance. Nous restons là pendant plusieurs heures. La sage-femme en chef nous informe que pour que l’accouchement soit possible, il faudra aller vers un centre de santé plus outillé. On nous oriente vers le CHU de Cocody mais il n’y a pas de place. On nous oriente alors vers l’Hôpital Militaire d’Abidjan. Là aussi on nous répète le même refrain à savoir qu’il n’y a pas de place disponible. Néanmoins, un médecin l’examine. Conclusion : c’est la césarienne, et cette opération s’élèverait à 250.000 F. Mais il me réitère qu’il n’y a pas de place. J’ai eu le sentiment que ce médecin me mentait et qu’il nous refoulait simplement parce nous ne pouvions pas avoir la somme demandée. Nous sommes une fois de plus orientés vers l’Hôpital Houphouët Boigny d’Abobo.

Là, nous trouvons une place en salle d’accouchement. Mais cette joie est de courte durée, car rebelote avec les ordonnances. Il est 2 heures du matin, donc, il faut trouver une pharmacie de garde, mais, on ne trouve pas tous les médicaments dans une seule pharmacie.

Lorsque je finis de payer les médicaments, il ne me reste plus que 4000 F en tout et pour tout. Là, de nouveau, nous attendons des heures. Toujours pas d’accouchement. Finalement, le médecin m’appelle et m’annonce qu’il a fait tout son possible mais, il n’a pas réussi, et que la mère et l’enfant sont en danger de mort. Il fallait donc une évacuation d’urgence sur le CHU de Treichville. Là, j’ai vraiment eu peur. L’ambulance de l’Hôpital nous attendait. Il fallait faire vite. Mais avant de nous embarquer, la somme forfaitaire de 5000 F était exigée. Moi, je n’avais que 4000 F. Heureusement que mon frère qui m’accompagnait avait sur lui les 1000 F manquant. En route, l’ambulancier me fait savoir que le mieux serait d’emmener ma femme dans une clinique, et que la césarienne coûterait 200.000 F. Sans discuter, je lui fis savoir que j’étais d’accord.

Lorsque nous sommes devant la clinique, le médecin exige d’abord le paiement de la moitié des 200 000 F. Dans un premier temps, j’ai fait appel à mes responsables à l’usine Filtisac, une usine de textile, afin de se porter garant auprès de la clinique. Mais je me suis heurté à un refus catégorique parce ce que je suis un journalier. Alors, j’appelle une tante qui me promet d’apporter les 50000 F et moi je cours puiser dans mes dernières réserves de 25000 F. Le médecin finit par accepter une avance de 75000 F. Il est 8 heures. Dans les 45 minutes qui suivent, on m’annonce que ma femme a accouché d’un garçon. Ce fut pour moi un sentiment partagé entre la joie et l’indignation devant tant d’injustices car cela aurait pu très mal finir ».

Ce genre d’histoires révoltantes, nombre de travailleurs le vivent tous les jours. Les populations pauvres n’ont pas accès aux soins les plus élémentaires. Les gouvernants qui se succèdent au pouvoir se contentent de discours creux, trop préoccupés à défendre les intérêts des possédants et aussi les leurs.