Travailleurs, préparons nos luttes, nous-mêmes !
ÉDITORIAL
Alors que la rentrée scolaire n’est pas encore effective sur une grande partie du territoire, le Premier ministre a déjà félicité son gouvernement pour la prétendue réussite de cette rentrée. Les enseignants ont été sommés d’assumer leur devoir d’enseignants comme s’ils ne le savaient pas. Par contre, il n’a pas dit un mot sur les revendications de ces derniers. Certes, quelques semaines avant cette rentrée, Ouattara a annoncé une « revalorisation » des salaires et allocations dans la fonction publique mais, à supposer que ces mesures soient réellement appliquées demain, elles sont loin de compenser ce que la majorité des petits employés de l’État ont perdu durant des années de blocages de salaires et d’augmentations du coût de la vie. Quant aux enseignants qui ne sont pas fonctionnaires, notamment ceux des écoles primaires et secondaires, leur situation est encore pire car ils ne sont pas concernés par les mesures annoncées, si mineures soient-elles.
Pour la majorité des parents d’élèves de condition modeste, cette rentrée, loin d’être une réussite comme le prétend le gouvernement, n’est qu’un casse-tête de plus en cette période d’augmentation générale des prix des denrées, du loyer, des transports et de bien d’autres produits et services. Le Premier ministre a eu le culot de se vanter de la prétendue « gratuité » de l’école dans ce pays alors que personne n’ignore qu’il s’agit là d’une publicité mensongère. Rien que l’achat des kits et autres tenues à chaque rentrée constitue une montagne de dépenses pour les parents. Et puis à ces dépenses ponctuelles il faut ajouter celles qui s’étalent tout au long de l’année. Où est la gratuité ?
Avec leurs salaires de misères, les travailleurs ne peuvent pas venir à bout de toutes les dépenses pour faire vivre correctement leurs familles. Il est donc vital que nos salaires soient augmentés de manière substantielle pour rattraper ce que nous avons perdu depuis des années. Même en doublant nos salaires actuels nous serions loin du compte !
En juillet 2008, alors que Laurent Gbagbo était au pouvoir, l’UGTCI réclamait du bout des lèvres le passage du SMIG de 36 000 Francs à 120 000 Francs par mois, ce qui était loin d’être suffisant pour satisfaire les besoins d’une famille de travailleurs en 2008. Gbagbo ignora complètement cette aspiration de nombreux travailleurs et continua avec le Smig officiel de 36 000 francs qui datait de 1994 suite à la dévaluation du Franc CFA. Sans compter que son administration ne fut même pas capable de faire appliquer ce salaire minimum de misère à toutes les entreprises du pays.
En réalité, les dirigeants des appareils syndicaux n’ont jamais voulu et ne veulent pas engager des luttes pour ne pas gêner le pouvoir et le patronat. Et quand il leur arrive parfois de faire du bruit autour de quelques revendications catégorielles c’est juste pour obtenir des avantages pour leur boutique voire pour eux personnellement. Aujourd’hui, 14 ans après les timides revendications de l’UGTCI, les dirigeants de ce syndicat tout comme leurs concurrents de Dignité, Humanisme et autres, continuent de faire la sourde oreille à l’aspiration du monde du travail qu’ils prétendent représenter. Ils continuent de se contenter du SMIG dérisoire de 60 000 Francs lâché par Ouattara en 2013 ! Et ce SMIG n’est toujours pas appliqué systématiquement jusqu’aujourd’hui en 2022.
Alors, ce n’est pas sur de tels dirigeants syndicaux que nous pouvons compter pour améliorer nos conditions d’existence. Ces bureaucrates haut placés et « ministrables », sont prompts à signer des « trêves sociales » avec le gouvernement et des accords sectoriels avec le patronat pour peu qu’on leur demande de s’assoir autour d’une table de négociation et qu’on leur accorde un os à ronger.
Aujourd’hui en 2022, compte tenu du coût de la vie qui ne cesse de monter, un travailleur ne peut pas faire vivre sa famille correctement, éduquer et soigner ses enfants dans de bonnes conditions avec un revenu inférieur à 400 000 Francs par mois. Il est évident que nous n’obtiendrons pas cela par un coup de baguette magique ou en comptant sur les dignitaires qui siègent au sommet des centrales syndicales. Il faudra que nous l’imposions par nos luttes collectives dans les entreprises et dans la rue.
Cela veut dire qu’il faut s’organiser pour préparer ses luttes. Cela passe par la formulation de nos revendications et par leur popularisation sur nos lieux de travail afin d’entrainer un grand nombre de travailleurs dans la défense de nos revendications et augmenter de cette manière nos forces face au patronat et au gouvernement qui lui sert la soupe. Il faut que nous apprenions à tenir des réunions entre nous les travailleurs, syndiqués ou pas, embauchés ou journaliers, sans distinction de catégories, pour discuter de nos affaires communes et désigner nos représentants indépendamment des syndicats. En agissant ainsi, nous dirigerons nos propres luttes et empêcherons nos vrais ennemis de classes et nos faux amis qui sont à la tête des grandes centrales et des partis politiques, de nous diviser et de dévoyer nos luttes vers des impasses.