SH-Plast : une situation des travailleurs qui illustre la barbarie du système capitaliste

29 septembre 2015

Le quotidien des travailleurs

SH-Plast est une entreprise de fabrication de chaussures en plastique située à la zone industrielle de Koumassi. Les conditions de vie et de travail ainsi que les rémunérations des travailleurs sont scandaleuses. Voici le témoignage d’un travailleur.

« J’ai dû payer, comme d’autres travailleurs dans la même situation que moi, la somme de 35.000 à un démarcheur pour obtenir un travail à SH-plast. Ce dernier ne nous a rien expliqué sur les conditions de travail. Il nous a seulement dit d’être courageux. Nous, on a pensé que c’était juste des encouragements. Lui seul savait ce qui nous attendait. Il a empoché ses sous et nous a fait rentrer dans cette entreprise. Effectivement, nous avons eu trois jours d’essai dans l’entreprise ponctué par la signature d’un contrat de 10 mois.

Sur le terrain, la réalité est toute autre. Malgré le contrat en poche, on n’est pas toujours sûr de travailler tous les jours. Il y a plus d’ouvriers qui ont signé un contrat que de postes disponibles dans l’entreprise. Ce qui fait que des fois, le patron vous fait tous rentrer, des fois, il y a une sélection à la porte. Et même quand vous entrez, la galère n’est pas encore terminée, car il n’y a pas de poste fixe pour chaque ouvrier. Dès que vous entrez, c’est la ruée vers les machines. Ceux qui ne parviennent pas à trouver un poste de travail sont priés de rentrer chez eux. La journée est ainsi perdue. Il y a quatre sections de travail, le raclage, le démoulage, le réglage, l’étiquetage.

Le patron ne fournit pas de matériel utile pour faire le travail. L’ouvrier doit venir avec ses outils. C’est déterminant pour obtenir un poste. Si d’aventure, tu trouves un poste au racloir et que tu n’as pas de racleur, c’est comme si tu t’étais battu pour rien. Un autre de tes collègues qui a un racloir va occuper le poste à ta place. Dans ces conditions, il existe une très grande concurrence entre les travailleurs. Il arrive très souvent que deux ouvriers se battent pour un poste. Une fois même, deux collègues se sont battus au couteau pour un poste dans une section.

Moi-même j’ai une fois eu le doigt déplacé lorsqu’un collègue plus costaud que moi m’a poussé pour avoir le poste. En dehors du personnel de bureau, il n’y a pas d’embauchés, même pas les chefs d’équipe. Tout le monde a un contrat de 10 mois, pas plus. C’est une entreprise en perpétuel renouvellement.

L’entreprise ne fournit absolument rien aux travailleurs : pas de tenue de travail, ni gants, même pas pour ceux qui sont en contact avec les fours, ni cache nez, ni chaussures de sécurité, etc. Les risques d’accidents sont énormes.

Mais ce que l’ouvrier redoute le plus c’est de ne pas pouvoir travailler assez de jours afin de couvrir ses charges. Car celui-ci doit payer son loyer, son transport, sa nourriture, s’occuper de ses enfants s’il en a, etc.

Du fait que cette usine qui ne dispose pas de groupe électrogène, en cas de coupure intempestive d’électricité, les machines sont à l’arrêt. Depuis plusieurs mois les coupures sont fréquentes. Si ça ne dure pas, tu peux espérer rattraper ta journée. Mais dans le cas contraire, tu perds ta journée malgré toutes les bagarres que tu as eu à faire pour avoir un poste de travail.

Étant donné que de nombreux ouvriers viennent généralement d’Abobo ou Yopougon, il est difficile pour eux de faire le trajet tous les jours à cause du coût élevé et aux difficultés du transport. Alors on est pour la plupart obligé de chercher un logement sur place. L’un des quartiers qui accueille un grand nombre d’entre nous, est le quartier Adjawi-soweto, un quartier très précaire conçu pour accueillir les travailleurs de la zone industrielle de Koumassi. Pour s’y rendre, il faut traverser la lagune. Pour effectuer cette traversée, nous avons recours à des embarcations de fortune appelée communément pinasse. Ces pinasses ont une capacité d’environ 100 personnes. Comme siège, on a des chevrons qu’on dispose comme des traverses et sur lesquels peuvent s’asseoir entre 5 et 7 personnes. Le tarif de la traversée est de 100F. C’est un quartier essentiellement fait de baraques en bois. Dès l’entrée du quartier, on peut voir déjà des pans de maison préfabriqués qui attendent de nouveaux locataires. Des maisons en bois s’étendent à perte de vue. Ce sont des maisons construites à la va-vite. Les propriétaires ne prennent même pas le temps de retordre les pointes. Il ne faut surtout pas se frotter au mur, sinon bonjour les dégâts. C’est à l’occupant de les recourber s’il ne veut pas se faire balafrer. Pour d’autres, ces pointes servent à accrocher des affaires. Les planches sont mal ajustées. En cas de pluie, s’il y a un peu de vent, elles laissent passer la pluie ; elles laissent aussi passer les moustiques qui sont en grand nombre dans le quartier vu la proximité avec la lagune.

Je me souviens de ma première nuit dans ce quartier, je n’ai pas pu fermer l’œil de toute la nuit, tellement il y avait de moustiques qui se sont rués sur moi. Il faut acheter des rouleaux de plastique qui empêchent l’infiltration de l’eau et des moustiques. Mais là c’est la chaleur qui s’intensifie vu qu’il n’y a pas de fenêtres, mais avons-nous le choix ?

Les propriétaires nous autorisent à nous mettre à plusieurs dans ces baraques, 4 au maximum. Le coût du loyer varie entre 8.000 et 12.000. Pour un loyer 10.000F divisé par 4, ça fait 2500 à payer par personne à la fin du mois.

Pour tout ce grand quartier, il y a deux points d’eau potable. On va faire la queue pour avoir de l’eau à boire et pour se brosser les dents. Pour tout le reste, c’est l’eau de puits qui marche, elle est d’une couleur jaunâtre, mais on l’utilise quand même, en y ajoutant, pour ceux qui en ont, un peu de javel.»

Cela montre à quel point la société capitaliste est barbare et qu’il est urgent que les travailleurs s’organisent pour y mettre fin et pour bâtir à sa place une autre société plus juste et plus humaine, où l’exploitation de l’homme par l’homme serait bannie.