Seg (marcory) : les travailleurs en lutte montrent l’exemple à suivre

03 mai 2017

SEG est une entreprise marocaine de BTP en Côte d’Ivoire. Sur le chantier situé près du boulevard VGE à Marcory, les travailleurs ont déclenché une grève spontanée le 7 avril en bloquant tout sur leur lieu de travail. Ils réclament entre autres, le rappel de salaire des manœuvres payés à 2 500F au lieu de 4 300F, des bulletins de paie ainsi que la déclaration à la CNPS. La direction a joué avec le temps en attendant la fin du chantier pour ne pas déclarer les travailleurs. Avec cette grève, elle a été ainsi prise à la gorge, mais elle a choisi de laisser pourrir la situation en misant sur l’essoufflement du mouvement.

C’est ainsi qu’après 4 jours de grève, le 11 avril, les travailleurs décidés à se faire entendre, optent pour des manifestations éclatées. Ils forment deux groupes, l’un pour assiéger la direction de l’entreprise située au Plateau, et l’autre groupe, un peu plus nombreux, pour manifester avec des pancartes au bord du boulevard VGE. C’est ce qu’attendait la direction pour réprimer la grève. Elle a fait appel à la police qui est venue massivement, mais les travailleurs ne se sont pas laissés distraire et ont continué à manifester bruyamment.

Pour éviter un vacarme devant les bureaux de la direction et surtout pour ne pas attirer l’attention des passants, le directeur propose aux travailleurs de retourner sur le chantier pour négocier. Mais une fois arrivé au chantier, il refuse de les rencontrer et laisse le soin au commissaire de police de s’adresser à eux. Ce dernier invite les travailleurs à passer dans son bureau le lendemain soi-disant pour les entendre, mais ceux-ci ont flairé le piège et refusé la proposition.

Le lendemain, au lieu d’aller au commissariat, ils se rendent à la direction. Pour toute réponse, le directeur demande aux responsables du syndicat de revenir le lendemain avec des propositions. Mais les policiers déjà présents sur les lieux commencent à donner dans la provocation. À plusieurs, reprises ils demandent aux travailleurs de déguerpir. À chaque fois les travailleurs reculent puis reviennent occuper la place devant le chantier.

Le 13 avril, très tôt le matin, les travailleurs occupent le chantier. Ils font une assemblée et choisissent une délégation pour rencontrer la direction comme prévue la veille. La police leur demande de quitter complètement les lieux, mais les travailleurs refusent d’exécuter en expliquant qu’ils resteront assis jusqu’au retour de la délégation. Les policiers n’étant pas armés pour charger les travailleurs, font appel au CCDO, une unité spécialisée en la matière. C’est cette dernière qui, une fois sur les lieux, charge sans sommation à coups de grenades lacrymogènes. Cinq travailleurs sont embarqués, dont un violemment tabassé et ensuite laissé pour mort devant le chantier.

Dès qu’ils prennent connaissance de la répression, les représentants des travailleurs annulent la rencontre avec la direction et se rendent au chantier. Au nombre d’une centaine, les travailleurs décident de se rendre tous ensemble à la direction pour exiger la libération de leurs collègues. Ils ont montré à la direction leur collègue tabassé par la police. Ils ont manifesté et brandi des pancartes traitant le patron de voleur, criminel, hors la loi, etc.

La direction s’est barricadée durant plus de deux heures en attendant que la police vienne à son secours. Et comme les habitants du quartier sont venus nombreux pour savoir ce qui se passait, la police a été quelque peu gênée dans les entournures pour réprimer. C’est d’ailleurs l’un des habitants du quartier qui a fait un geste de solidarité en offrant la somme de 25 000 F Cfa pour évacuer le travailleur blessé à l’hôpital.

Le directeur, se sentant protégé par les corps habillés, convoque une rencontre aux environs de 16 heures. À cette rencontre, tremblotant comme un bébé, il renvoie les travailleurs vers l’Inspection du travail.

Le lendemain 14 avril, les travailleurs continuent de bloquer le chantier pour exiger la libération de leurs collègues détenus illégalement à la préfecture de police, au Plateau. Dans la soirée, aux environs de 18 h 30, ils sont libérés.

Les travailleurs se sont promis de continuer la lutte après les fêtes de la Pâques jusqu’à ce que la direction paie ce qu’elle leur doit.

Pendant près de 5 mois, ces travailleurs se sont battus courageusement pour que leurs droits soient respectés. Parfois ils ont remporté de petites victoires, parfois ils ont été brimés avec l’appui de l’État et de sa force de répression. Mais quelle que soit l’issue de leurs luttes, ils montrent à tous les travailleurs, à tous les exploités, le chemin de la conquête de la dignité.