Non à l’ethnisme, à la xénophobie et au nationalisme !
Éditorial
Un simple accrochage entre une « moto-taxi » et un véhicule de transport en commun « Massa » s’est transformé en guerre entre deux communautés, Dioulà et Baoulé. Cela s’est passé le 15 et le 16 mai à Béoumi dans la région de Bouaké. Officiellement, il y a eu 11 morts, une centaine de blessés et de nombreux dégâts matériels. Plusieurs centaines de personnes ont été obligées de fuir pour se réfugier ailleurs. Des « armes de guerre » auraient été utilisées lors de ces affrontements. Il a fallu le déploiement de plusieurs centaines de gendarmes, de policiers et de militaires ainsi que l’instauration d’un couvre-feu dès 18h pour que le calme revienne.
Cet affrontement n’est évidemment pas arrivé sous un ciel serein. Des rancœurs se sont accumulées depuis 2002, depuis la partition du pays en deux. Les milices de Guillaume Soro, les MPCI, qui ont contrôlé cette région durant plusieurs années, ont commis de nombreuses exactions envers les populations baoulé. Des années se sont écoulées mais les victimes n’ont pas oublié. Il a fallu une étincelle pour raviver les haines accumulées.
Ensuite, à chaque élection, communale, législative et présidentielle, les différents candidats en compétition ont fait monter les enchères à caractère ethniste et ont attisé les tensions intercommunautaires pour mobiliser leur électorat sur une base essentiellement ethnique.
Aujourd’hui, les autorités œuvrent à l’apaisement. D’autant plus que la situation est plutôt alarmante, quand on sait que des rancœurs entre populations, comme à Béoumi, existent potentiellement un peu partout.
Ainsi, par exemple, au mois d’Avril dernier à Agboville, une agression contre un jeune de l’ethnie Abbey a dégénéré en conflit ethnique entre Abbey et Dioulà, faisant plusieurs blessés et des dégâts matériels. Dans le même mois, des jeunes de ces deux mêmes ethnies se sont affrontés à N’douci. Et le 18 mai, un conflit foncier a dégénéré en violence intercommunautaire, à Abengourou, faisant des blessés graves.
Tels des pompiers pyromanes, ce sont aujourd’hui ces mêmes qui jouent les bons offices pour calmer les populations. Ce qui ne les empêchera nullement de remettre le couvert à l’approche de l’élection présidentielle de 2020, s’il y a une carotte au bout. Il y a donc fort à craindre que des conflits similaires de plus grande ampleur surgissent de nouveau dans la période à venir.
En tout cas, des ingrédients explosifs sont présents et s’accumulent depuis plusieurs années, à commencer par la misère, la pauvreté, le chômage et les conflits fonciers. C’est dans ce terreau que les propos haineux à caractère xénophobe, ethniste, religieux ou national véhiculés généralement par les dirigeants politiques pour accéder à la mangeoire, peuvent prendre un caractère explosif. Les travailleurs et les populations pauvres sont bien placés pour le savoir puisqu’ils ont déjà payé un très lourd tribut dans un passé pas si lointain.
Il ne faut pas que ce poison fasse de nouveau des dégâts dans nos rangs. La division fondamentale de la société n’est pas entre ethnies ou nationalités, mais entre classes sociales aux intérêts diamétralement opposés que sont les exploiteurs et les exploités.
Face aux patrons qui les exploitent, les travailleurs ont besoin au contraire de s’unir. C’est par l’union dans le combat qu’ils peuvent plus efficacement améliorer leur salaire, leurs conditions de vie, leur pouvoir d’achat. Les antagonismes ethniques, la xénophobie et le nationalisme sont des armes qu’utilisent nos ennemis de classes pour nous affaiblir.