Mévente de la noix de cajou : les paysans abandonner à leur sort
L’anacarde est devenu un produit clé de l’agriculture en Côte d’Ivoire. Sa production n’a cessé de croitre au fil des années pour propulser le pays à la première place mondiale avec plus de 750 000 tonnes. Le renchérissement des prix des dernières années a poussé nombre de paysans vers cette culture. Les prix « bord champs » moyens payés aux producteurs sur l’ensemble des campagnes de 2014 à 2018 ont été successivement de : 2014 : 225F/Kg ; 2015 : 275F/Kg ; 2016 : 520F/Kg ; 2017 : 715F/Kg ; 2018 : 516F/Kg. La culture de l’anacarde occupe dans le nord et le centre du pays, près 450 000 paysans. C’est donc ou moins 4.5 millions de personnes qui vivent des rentes de l’anacarde. Dans le Nord, l’anacarde et le coton sont les seuls produits de rente.
Pour la campagne 2019 qui a commencé en février, l’État de Côte d’Ivoire avait fixé les prix officiels de la noix de cajou à 375 F/kg le prix bord champ aux paysans, à 525 francs CFA/kg le prix magasin intérieur et à 584 F/kg le prix portuaire.
Depuis cette annonce du prix officiel, les acheteurs s’y sont opposés. Ils trouvent que ce montant est trop élevé et font pression pour que le gouvernement le revoie à la baisse.
Ainsi donc, non seulement ce prix n’est point respecté, mais en plus les acheteurs se font rares. Les quelques-uns qui se présentent aux paysans proposent des prix allant de 25 FCFA à 250 FCFA selon les régions. Les camions d’anacardes font la queue aux ports d’Abidjan et de San-Pedro sans pouvoir être déchargés, ne trouvant pas de preneurs pour leurs chargements. Des coopératives sont même obligées de faire retourner les camions pour réduire les frais d’immobilisation des véhicules.
Aujourd’hui, cette crise de la mévente de la noix de cajou va affecter tout une partie du centre et le Nord du pays. Actuellement avec le prix d’achat bord champ qui oscille entre 25F à 100F le kg, c’est une catastrophe pour les paysans qui se sont investis dans sa culture. Toute une année d’effort est en train de tomber à l’eau.
Du côté de l’État, aucune réaction. Pour Bruno Nabagné Koné, porte-parole du gouvernement, ministre de la Communication, de l’Économie et de la Poste, « le gouvernement, en réalité, a déjà fait sa part ou l’essentiel de ce qui relève de ses missions. Le gouvernement a dit que le prix minimum d’achat de la noix de cajou pour cette année est de 375 F CFA. Une fois que le gouvernement a dit cela, c’est aux producteurs d’imposer ce prix-là ! Le gouvernement ne peut pas venir derrière chaque citoyen pour vérifier ».
Dans ce cas-là, à quoi ça sert au gouvernement de faire semblant de fixer le prix s’il n’a aucun moyen de pouvoir le suivre et l’imposer. Et si les paysans prennent le représentant du gouvernement à la lettre et commencent à secouer les acheteurs véreux comme ils le méritent, le gouvernement trouverait surement le moyen de réagir. Ce fut le cas en 2016, quand les populations de Bouaké, suite au discours du 1er mai du président ont voulu contraindre la CIE de revoir ses tarifs de facturation à la baisse. C’est toujours ainsi quand il s’agit des travailleurs, des paysans ou des petites gens. L’État n’intervient en leur faveur que sous la contraint.