Menace de guerre en Ukraine : ne nous laissons pas embrigader !
International
(Nous publions ci-dessous l’éditorial de l’hebdomadaire Lutte Ouvrière datée du 18 février 2022 et publié en France)
Y aura-t-il la guerre en plein cœur de l’Europe avant la fin de la semaine ? C’est ce qu’affirment les autorités américaines qui ont appelé leurs ressortissants à quitter l’Ukraine.
Depuis des semaines, les dirigeants occidentaux accusent Poutine de préparer l’invasion de l’Ukraine. Dans un vaste jeu de poker menteur, Biden, Macron et Scholz multiplient les rencontres médiatisées avec Poutine, tout en le présentant comme un dictateur, agresseur et va-t-en-guerre. Dictateur, Poutine l’est sans conteste, contre son opposition et contre les classes populaires de toute la Russie. Mais, face aux Occidentaux, il n’est pas l’agresseur.
Les peuples ukrainien et russe sont liés par une longue histoire et une culture commune. Pendant 70 ans, ils ont vécu au sein de l’Union soviétique, ce vaste territoire forgé après la révolution de 1917, qui s’est développé en commun, de façon planifiée. Que le Donbass ou la Crimée soient rattachés administrativement à l’Ukraine ou à la Russie n’avait alors pas de conséquence car aucune véritable frontière ne les séparait.
Quand, en 1991, les bureaucrates de Moscou, Kiev et Minsk ont fait éclater l’Union soviétique, sans consulter ses peuples, les États-Unis n’ont pas dissous l’Otan, cette alliance militaire construite pour isoler l’Union soviétique. Bien au contraire, profitant de l’affaiblissement de la Russie sous Eltsine, ils y ont intégré les trois États baltes, la Pologne, la Roumanie, la Hongrie, etc. Ils ont pris pied en Géorgie et en Asie centrale. Les bases américaines ceinturent aujourd’hui la Russie, et Poutine veut empêcher l’Ukraine de rejoindre l’Otan. Alors, qui est l’agresseur ?
Biden et Macron fustigent Poutine parce qu’il déploie des troupes aux portes de l’Ukraine. Mais quand, début janvier, le même Poutine a envoyé 3 000 parachutistes russes pour aider le dictateur du Kazakhstan à mater la révolte ouvrière, leur silence a été assourdissant. Au Kazakhstan, il s’agissait de réprimer des ouvriers qui protestaient contre la vie chère. L’enjeu était de sauver les profits de Total, Chevron, ArcelorMittal et autres trusts occidentaux qui exploitent les ressources et les travailleurs de ce pays ex-soviétique. Pour réprimer les révoltes, Poutine, Biden et Macron sont complices !
C’est pourquoi les travailleurs ne doivent pas partager l’hystérie guerrière des dirigeants américains plus ou moins suivis par les européens. Les uns et les autres se moquent du sort des Ukrainiens comme de tous les peuples qu’ils oppriment eux-mêmes partout dans le monde.
Ils se prétendent les champions de la liberté, mais ils empêchent des femmes et des hommes de circuler librement pour fuir la guerre ou la misère. Ils ont reconstitué un rideau de fer en installant des barbelés qui provoquent la mort de nombreux migrants entre la Biélorussie et la Pologne.
Ils prônent la paix et la démocratie mais ils entretiennent une multitude de guerres régionales meurtrières et arment des dictateurs. Macron fait la leçon à Poutine, mais la France maintient des troupes dans neuf pays d’Afrique. Au Burkina Faso ou au Mali, ses troupes apparaissent si peu comme des libératrices qu’elles sont conspuées par la population.
En Europe de l’Est, comme en Afrique ou en Asie, les grandes puissances interviennent pour défendre les intérêts de leurs capitalistes respectifs, en lutte pour se partager les marchés et accéder aux matières premières. Dans une économie en crise, cette concurrence est de plus en plus acharnée, et les dirigeants impérialistes se préparent à transformer la guerre économique en guerre tout court.
Leurs budgets militaires ne cessent d’augmenter. Quand ce n’est pas la Russie, c’est la Chine qu’ils présentent comme une menace. Ce sont pourtant des navires de guerre et des sous-marins américains, australiens et même français qui patrouillent en mer de Chine, pas des navires chinois au large de la Californie !
Face à la Chine ou à la Russie, même si un dérapage n’est jamais exclu, pour l’instant, les grandes puissances cherchent surtout à marquer leur territoire. Le sursis ne durera pas tant le monde capitaliste est une poudrière. Mais leurs grandes manœuvres ont un autre but : conditionner et mettre au pas leur propre population pour la préparer à servir de chair à canon dans la guerre à venir. Tous ceux qui n’ont que « les intérêts de la France » à la bouche participent à cette mise en condition.
Il faut refuser de marcher car cette guerre n’est pas celle des travailleurs. C’est celle de leurs exploiteurs qui rivalisent entre eux pour accaparer la plus grande part de profit.