Les mineurs font plier les trusts du platine
Afrique du sud
Depuis plusieurs mois de nombreux secteurs ouvriers de ce pays relèvent la tête et font savoir à leur manière, c’est-à-dire par des mouvements de grève, au patronat de ce pays et au gouvernement, qu’ils en ont marre de leurs conditions de vie et de salaires. Et on les comprend : pendant que les riches et les puissants se pavanent dans un luxe insolent, les travailleurs sont considérés comme des bêtes de somme, tout justes bons pour produire du profit. L’ignoble période de l’apartheid est révolue et c’est une très bonne chose, mais le fossé entre le monde des riches et celui des classes pauvres, entre les travailleurs d’un côté et les capitalistes de l’autre, ne fait que s’agrandir. Tout cela sous la houlette de l’ANC, au pouvoir depuis 1989.
Cinq mois après le début de leur grève, les mineurs du platine de ce pays ont voté la reprise du travail, mais déjà une autre grande grève est annoncée pour débuter à partir du 1er juillet, cette fois dans la métallurgie (hors automobile). Cette grève pour des revendications salariales concernerait 220 000 salariés de ce secteur.
Nous prenons à notre compte l’article publié par nos camarades de « Lutte Ouvrière » dans leur hebdomadaire N° 2395 et le reproduisons ci-dessous.
C’est la tête haute que les 70 000 grévistes mettent fin à leur mouvement. Car ils auront fait céder les trois grands trusts du platine : Anglo-American, Lonmin et Impala. Depuis cinq mois, ces trusts les traitaient par le mépris, les accusant d’avancer des revendications déraisonnables et de mettre l’économie du pays à genoux. Et depuis cinq mois ils jouaient sur le pourrissement de la grève et la lassitude des grévistes, tout en affamant leurs familles. Mais en vain.
Les grévistes ont tenu bon. Et cela, malgré les provocations et la violence d’une police surarmée, présente en permanence tant autour des mines que dans leurs campements. Finalement, ce sont les grands patrons des mines qui ont dû ravaler leur arrogance.
Sans doute les mineurs n’obtiennent-ils pas le salaire de base mensuel à l’embauche de 12 500 rands (870 euros) qu’ils réclamaient. Mais ils obtiennent une augmentation de 2 950 rands (200 euros) étalée sur trois ans, qui portera le salaire d’embauche à 7 950 rands, soit une augmentation totale de 60 %. En outre la plupart de leurs primes seront désormais indexées sur l’indice du coût de la vie.
Par ailleurs, les assemblées de grévistes du 17 juin avaient exigé deux conditions pour entériner cet accord : la réintégration des grévistes licenciés et une prime de reprise. Sur le premier point, les groupes miniers ont cédé et 283 mineurs seront réintégrés. Sur le deuxième point, la mise en application de l’accord a été avancée au 1er juillet 2013, avec effet rétroactif, de sorte que tous les grévistes toucheront un rappel dès la reprise du travail, dont le montant minimum sera de 7 000 rands (490 euros).
C’est donc une victoire incontestable pour les grévistes. Elle est d’autant plus remarquable que, en plus de la brutalité de la police et des nervis des compagnies, qui chaque semaine ont fait des victimes dans leurs rangs, et en plus d’une campagne haineuse menée par les patrons miniers et le gouvernement au travers des médias, ils ont dû faire face également à l’hostilité active de Cosatu, la principale centrale syndicale, qui est liée au pouvoir.
Car, pour les dirigeants de Cosatu, les grévistes du platine commettaient un crime impardonnable. Déjà, à la suite du massacre de Marikana, où 34 grévistes avaient été abattus par la police en août 2012, ils avaient eu le tort d’entraîner une puissante vague de grèves en défiant le NUM, le syndicat des mineurs affilié à Cosatu. Puis ils avaient rejoint en masse un syndicat, AMCU, qui s’était formé hors de la centrale. Et cette année c’est ce syndicat qui a dirigé la grève, tandis que le NUM, non seulement se révélait incapable de reprendre pied dans le platine, mais continuait à céder du terrain à AMCU dans d’autres secteurs miniers.
Du fait de cette hostilité tant des dirigeants de Cosatu que de ceux de la plupart des syndicats qui lui sont affiliés – mais aussi du fait du corporatisme de la direction d’AMCU – les grévistes du platine ont dû mener leur lutte dans l’isolement. Et ce, dans un pays où se déroulent constamment des luttes, parfois même des luttes impliquant un grand nombre de participants, que ce soit contre l’exploitation dans les entreprises ou contre la pauvreté dans les townships.
Malgré cet isolement, les mineurs l’ont emporté, au terme d’une grève qui aura été la plus longue de l’histoire de l’Afrique du Sud. Face à des trusts qui comptent parmi les plus riches de la planète, ils ont montré la puissance de l’action collective et déterminée des exploités.