Les corps habillés font reculer le pouvoir
Les 7 et 8 février, la petite ville d’Adiaké (dans l’Est de la Côte d’Ivoire) a été remuée par une mutinerie de soldats. Les ‘‘forces spéciales’’ de l’armée qui y sont basées se sont déployées dans cette localité en tirant des coups de feu. Il y a eu au moins deux blessés et les habitants ont été contraints de rester chez eux.
Ces ‘‘forces spéciales’’ ivoiriennes sont estimées à 2 600 individus, elles sont censées être ‘‘l’élite’’ de l’armée. En plus d’être chargées de la sécurité du président, elles sont déployées à certains points stratégiques à Adiaké, à la frontière avec le Ghana, à Tengrela en face du Mali et à Tabou à la frontière Ouest avec le Liberia. Elles bénéficient de primes spéciales de la présidence. Ces soldats ne sont donc pas les moins nantis de l’armée, ils sont même des privilégiées.
Cela ne les a pas empêché d’entrer en mutinerie. Leur mouvement fait écho à la mutinerie de soldats de janvier 2017 c’est-à-dire des anciennes Forces Armées des Forces Nouvelles (ex-rebelles de Soro Guillaume) au nombre de 8400 individus. Ils avaient pris le contrôle des différentes casernes et groupements militaires du pays. Ils revendiquaient une prime de 12 millions de francs qui leur avait été promise par le couple Soro-Ouattara, s’ils parvenaient à dégommer Gbagbo du pouvoir. Le gouvernement a vite fait de céder à leur revendication en la faisant passer comme « prime Ecomog » liée aux accords de Ouagadougou.
Ce faisant, le régime d’Abidjan a ouvert une brèche aux autres corps habillés. Et cela ne s’est pas fait attendre. D’autres soldats, d’autres corps (gendarmes, ex-FDS, pompiers, gardes pénitenciers, douaniers, etc.) ont emboité le pas et se sont mis eux aussi dans la danse, d’autant plus que certains éléments sont aussi d’anciens FAFN qui y ont été mutés. Il y a eu des affrontements à Yamoussoukro et à Abidjan, le port avait même été perturbé durant une journée. Ces manifestations ont officiellement fait 4 morts. Après négociations, rien n’a filtré sur les accords convenus entre le gouvernement et les soldats.
C’est pour les mêmes raisons que les soldats des « forces spéciales » basées à Adiaké se sont eux aussi mis en mouvement, à la différence qu’ils ont fait monter les enchères en portant leurs revendications à 17 millions de francs et en plus le grade de sergent pour tous.
Après deux jours de négociations, la hiérarchie militaire et les représentants du gouvernement prétendent n’avoir rien cédé. Mais des fuites font pourtant état d’un accord sur la somme de 17 millions de francs.
Du coup, les démobilisés (plus de 80.000 personnes) et les dozos (Chasseurs traditionnels) s’invitent à la curée et font entendre leur voix à travers la presse. Ils estiment avoir droit aux 12 millions parce qu’ils ont, eux aussi, combattu et permis à Ouattara de parvenir au pouvoir. Autant dire que la boite de Pandore est ouverte et le gouvernement n’est pas encore sorti de l’auberge.