Le pouvoir est magnanime envers les soldats mutins mais arrogant devant les fonctionnaires en grève : une question de rapport de forces !
Les petits soldats de Ouattara se sont mutinés la nuit du 5 janvier. Ils ont ensuite séquestré le ministre de tutelle venu à Bouaké pour négocier. Ils l’ont contraint d’agréer leurs revendications et obligé ensuite Ouattara, leur « papa », d’approuver ce document signé par son ministre. Ils lui ont intimé de déclarer de vive voix dans « un message à la nation », qu’il donne son « accord pour la prise en compte des revendications relatives aux primes et aux conditions de vie et de travail des soldats ». Il s’agit, entre autre, du paiement immédiat de 5 millions de « prime Ecomog » par personne, une « prime de mission » pour ceux d’entre eux qui ont été par exemple positionnés le long de la frontière libérienne, une augmentation de salaires pour tous, et enfin, de l’amélioration de leurs conditions de vie.
Cette mutinerie est un « remake » de celle de novembre 2014. Ces mêmes soldats avaient alors obtenu le paiement des « arriérés de solde » et des «baux administratifs». Par ailleurs, le groupe de 8 400 soldats à la tête de cette rébellion, avait aussi obtenu le passage à un grade supérieur. C’est ainsi que certains d’entre eux sont passés au grade de caporal-chef et d’autres, directement à celui de sergent. Ils n’ont pas oublié que leur ex-chef com’zone Wattao était passé du grade de caporal-cuisinier à celui de lieutenant-colonel bien plus enviable, et que cela a été rendu possible par la force des armes !
Ce n’est pas avec le même empressement que le pouvoir répond aux revendications des fonctionnaires, eux aussi en grève depuis le 9 janvier, pour ainsi dire en même temps que les soldats. De plus, c’est la deuxième grève générale des fonctionnaires en l’espace de deux mois. Ils réclament entre autres, le payement des arriérés non perçus, l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail. Ils s’opposent à la décision du gouvernement de les spolier d’une partie de leur retraite. Rappelons que certaines de leurs revendications datent du temps de Gbagbo au pouvoir et que celui-ci les avait déjà menés en bateau, quand il ne les avait pas réprimés.
Depuis lors, de nombreux mouvements de grève ont eu lieu. La dernière date du mois de novembre 2016.
Un des principaux représentants des grévistes vient de déclarer : « La grève est totale sur l’ensemble du territoire national (…). En dépit de cette mobilisation exceptionnelle et historique (…) l’État affiche une indifférence totale. (…) La Plate-forme nationale des organisations de la fonction publique (Psn) exige de la part de l’État des réponses claires à ses légitimes revendications d’ici vendredi ».
Le gouvernement n’entend pas cette mise en garde car il estime que cette grève de fonctionnaires ne constitue pas jusqu’ici une menace pour sa propre existence ; l’Administration est certes touchée mais sans que cela ne paralyse l’appareil d’état ; le transport, les banques et les usines ne sont pas touchés.
Par contre, oui, l’école publique est fermée. Mais cela ne dérange pas les riches et les hauts dignitaires de ce pays car leurs enfants ne les fréquentent pas. C’est la même chose pour les hôpitaux. Quel riche serait-il assez fou pour envoyer sa famille se soigner dans ces mouroirs pour pauvres ?
Pour le moment, les intérêts vitaux de la classe des riches ne sont pas touchés mais si cette situation perdure, ne serait-ce que le blocage au niveau de la paperasserie (tel que les laissez-passer et autres certificats administratifs), les incidences ne tarderont pas.
Le gouvernement peut continuer de penser que tôt ou tard les grévistes seront fatigués. Mais le rapport de forces peut changer car les petits salariés de la Fonction publique sont loin d’être les seuls à faire les frais de la politique gouvernementale. Ils ne sont pas les seuls à souffrir des bas salaires, du renchérissement du coût de la vie. Bien au contraire, la situation est désastreuse pour l’ensemble du monde du travail. Les agents hospitaliers et ceux de l’éducation sont traités comme des journaliers corvéables à merci et payés au rabais ; les ouvriers de l’industrie et ceux du bâtiment n’en peuvent plus de voir leurs conditions de travail et de vie se dégrader, au point d’être réduits un peu plus chaque jour à la misère. Cette situation est grosse de colère et celle-ci peut déboucher sur une lutte d’ampleur.
Les travailleurs, par delà leur secteur d’activité, par delà la diversité de leur métier, doivent exiger leur droit à une vie décente. Ils peuvent faire plier le gouvernement et le patronat. Leur force, c’est leur nombre et leur place dans l’économie. Sans eux, rien ne peut fonctionner. Prendre conscience de cette force et des possibilités qu’elle offre aux travailleurs est un premier pas important pour changer les choses.