La population prise en étau dans la guerre entre les galonnés
Soudan
Depuis près d’un mois, le Soudan est ravagé par une guerre opposant deux clans militaires : celui du général Abdel Fattah Al-Bourhane, chef de la junte actuellement à la tête du pays, et celui d’un autre général, Mohammed Hamdan Daglo, son vice-président. Chacun veut diriger le pays pour mettre la main sur les caisses de l’État et se remplir les poches. Ils sont en train de plonger la population soudanaise dans l’horreur. On compte déjà officiellement plus de 750 morts, 5 000 blessés et plus de 900 000 déplacés et réfugiés.
La population de la capitale Khartoum et des grandes villes de province, est prise entre deux feux. Les maisons sont détruites par les tirs d’artillerie et les bombardements de l’aviation. Les hôpitaux déjà en piteux état, sont débordés et ne peuvent plus soigner les blessés. Les malades sont évacués sous les tirs d’armes automatiques et de roquettes. L’eau et l’électricité, qui ne fonctionnent que quelques heures par jour en temps normal, sont totalement coupées dans bien des quartiers. Quant à se nourrir, c’était déjà plus qu’aléatoire avec les pénuries et la hausse vertigineuse des prix, mais c’est désormais impossible, aucun chauffeur ne prenant le risque de ravitailler les rares épiceries ouvertes.
Environ 30 000 personnes, principalement ceux qui habitaient dans la région de Darfour, ont réussi à traverser la frontière du Tchad malgré les tracasseries imposées par les autorités militaires du dictateur de Ndjaména. Les réfugiés ont été parqués comme des parias dans des endroits où il n’y a même pas le strict minimum pour soulager leur détresse et les soigner.
Cela fait des années que la population soudanaise vit pratiquement en état de guerre permanente. Durant 30 ans, ce fut sous la terreur du régime dictatoriale du général Omar el-Béchir. Celui-ci se croyait indéboulonnable mais après plusieurs mois de manifestations populaires et d’âpres combats de rue entre manifestants et forces de l’ordre, il a fini par être renversé.
C’est l’annonce du triplement du prix du pain en décembre 2018, conséquence d’un plan d’austérité imposé par l’impérialisme, qui a mis le feu aux poudres et fait exploser la colère accumulée. Aux revendications contre la vie chère se sont ajoutées celles de la liberté et de la fin de la dictature. Malgré la répression meurtrière, la population a tenu bon et les militaires ont fini par lâcher El Béchir en avril 2019. Cette première victoire du mouvement populaire n’a cependant pas réglé la question du pouvoir.
Les chefs militaires qui ont remplacé El Béchir n’ont jamais réussi à mettre fin à la contestation populaire. La population est restée mobilisée, elle a mis sur pied des comités de quartier qui organisent la lutte mais aussi la vie sociale et pallient les défaillances de l’administration. Cependant, ce sont les militaires qui ont gardé le pouvoir.
Le mouvement populaire est dirigé par une alliance d’organisations petite-bourgeoises (ingénieurs, avocats, médecins, professeurs, partis d’oppositions…), qui maintient l’illusion d’un compromis avec les militaires et d’une transition vers un régime civil démocratique. La classe ouvrière, bien que mobilisée, n’a pas un parti qui lui soit propre pour mener une politique indépendante visant à lui permettre de prendre le pouvoir. Sans un tel parti, les travailleurs, les petits paysans et la grande majorité des habitants des quartiers populaires ne trouveront aucune issue favorable à leurs intérêts de classe exploitée et opprimée. Que ce soit un nouveau galonné ou un civil qui prenne le pouvoir, ce sera toujours la dictature qui continuera.