Éditorial

Épidémie Ebola : fléau aggrave par le système capitaliste et l’incurie du gouvernement

17 septembre 2014

Le gouvernement fait beaucoup de bruit autour de sa prétendue lutte contre la propagation de l’épidémie d’Ebola. Il s’agit surtout de gesticulations et d’actions purement symboliques face à une menace qui est pourtant réelle et qui pourrait avoir des conséquences désastreuses sur la population.

L’Ebola a déjà fait plusieurs milliers de victimes dans de nombreux pays africains, notamment au Libéria, Sierra Leone, Guinée, pays voisins, avec souvent les mêmes populations de part et d’autre des frontières. Aucune mesure administrative de fermeture de frontières, même appuyée par des déploiements de militaires n’empêchera les populations de circuler. Quant aux mesures comme annuler les matchs de foot, si elles sont spectaculaires, isolées, elles sont dérisoires.

Certes, il est bien vrai que jusqu’aujourd’hui il n’existe pas de médicaments pour combattre le virus Ebola mais la menace est dans sa propagation. Face à cette épidémie dont l’Organisation mondiale de la Santé, elle-même reconnait qu’elle n’est pas maitrisée, il existe pourtant des mesures à prendre pour minimiser sa propagation; de même qu’il existe des moyens préventifs pour éviter la contamination. Malheureusement, en dehors des bavardages médiatiques ou des « conseils de vigilance », les populations pauvres de ce pays ne peuvent rien attendre de bon du gouvernement. Cela est vrai dans le domaine de la santé comme dans tout autre domaine concernant la vie quotidienne des classes populaires.

Dans ce pays, c’est avant tout la pauvreté qui tue. C’est aussi l’incurie des autorités publiques. Quand on est pauvre, on meure de presque rien : un accouchement, un palu, une fièvre typhoïde, une plaie mal soignée et même d’une simple diarrhée. Combien d’enfants meurent avant même d’atteindre l’âge de cinq ans ? Et c’est de pire en pire, alors qu’il existerait dans ce pays une prétendue gratuité des soins jusqu’à l’âge de cinq ans! Faudrait-il encore trouver un centre de santé digne de ce nom et avoir les moyens de s’y rendre, sans même parler du fait que la Pharmacie de Santé Publique (PSP qui a été privatisée), est incapable de fournir les médicaments nécessaires alors qu’elle a été créée dans ce but. Qui ignore que même les CHU qui sont pourtant des références en matière de soins, sont devenus depuis longtemps des mouroirs pour pauvres. Que dire alors de l’intérieur du pays ou des villages reculés qui n’ont même pas un minimum d’infrastructures sanitaires ?

Même quand il existe des hôpitaux et des médicaments, les pauvres y sont de fait exclus. Un travailleur journalier, par exemple, avec son maigre salaire, comment peut-il se soigner ? Même malade à en crever, ce dernier est généralement obligé d’aller au travail. Sinon, comment ferait-il pour gagner sa journée, étant donné qu’il n’a pas de couverture Santé ? Combien de familles pauvres sont en détresse à cause d’un « accouchement difficile » ? Et c’est bien un euphémisme car des femmes et des nouveaux nés meurent le plus souvent à cause du fait que les revenus de ces familles sont trop maigres pour assurer le minimum vital.

De simples mesures d’hygiène comme se laver les mains avec un produit chloré limiteraient déjà beaucoup la propagation de l’épidémie. Mais comment faire passer le message dans les villages reculés, isolés dans la brousse ? Comment faire passer le message qu’il y a là une menace et que ce n’est pas une invention mensongère ? Comment empêcher la consommation d’animaux de brousse, là où il n’y a rien d’autre ? Comment empêcher des guérisseurs, des sorciers, des petits escrocs de vendre des produits miracles ? Même à Abidjan, pas atteinte par l’Ebola, sur certains marchés, on propose des produits en affirmant qu’ils peuvent protéger et même guérir ? Mais combien de pauvres qui n’ont pas les moyens de passer par la pharmacie, ont l’habitude de s’approvisionner sur le marché ?

Le gouvernement n’ignore pas cette réalité sociale mais, comme ses prédécesseurs, il est avant tout préoccupé par la préservation des intérêts des capitalistes qui s’enrichissent de l’exploitation des travailleurs et des petits paysans. Eh bien, comme les riches, il trouve que les travailleurs de ce pays sont encore trop payés ; que les entreprises ne sont pas encore suffisamment « compétitives », pour soi-disant devenir un pays émergent !

C’est le dénuement qui rend les populations pauvres encore plus vulnérables à toutes sortes de microbes et de virus. Un État réellement au service des exploités mettrait toutes ses forces et tous les moyens dont il dispose pour le bien-être et la santé de la majorité de la population, à commencer par celui des plus démunis. C’est tout le contraire que font les dirigeants qui se succèdent au pouvoir dans ce pays. Voilà pourquoi la lutte contre les maladies et leur propagation n’est pas un problème médical ou technique, en tous les cas, pas seulement. Elle est conditionnée par la vie sociale dans son ensemble et en premier lieu, par les rapports de classes.

En débarrassant la société des parasites et des exploiteurs, les travailleurs permettraient à la grande majorité de profiter des moyens techniques et des connaissances pour faire face, le plus efficacement possible, aux maladies comme aux autres fléaux appelés souvent abusivement « naturels ».