Éditorial

Au Nigeria comme ailleurs, les mouvements islamistes sont des ennemis des travailleurs

05 juin 2014

Nigeria

 

Près d’un mois et demi après l’enlèvement de plus de 200 jeunes lycéennes dans la ville de Chibok (dans l’État de Borno, au Nord-est du Nigéria), par le groupe islamiste Boko Haram, les ravisseurs sont toujours dans la nature et continuent de narguer les autorités de ce pays.

Le gouvernement nigérian semble complètement impuissant devant la montée des mouvements intégristes musulmans. Ceux-ci tuent, volent, pillent et incendient en toute impunité, plus particulièrement dans les Etats du Nord. Dans un communiqué audiovisuel, à la manière des groupes d’Al Qaïda, un chef local du groupe Boko Haram a expliqué qu’il allait vendre ces jeunes filles pour les marier de force et que lui-même en prendrait deux.

Ces gens-là sont des barbares et des assassins. Selon leurs concepts moyenâgeux, les filles n’ont pas le droit à l’éducation parce que ce serait « haram » (un péché en islam). Tous ceux qui ne respectent pas leurs règles de conduite subissent leurs violences. Ils ont déjà assassiné des milliers de personnes, brûlé des villages entiers tout simplement parce que les habitants n’étaient pas des musulmans. Des églises ont aussi été incendiées. Ils s’en prennent aussi aux enseignants qu’ils n’hésitent pas à tuer parce qu’en acceptant d’éduquer les jeunes filles, ils commettraient un péché vis-à-vis du coran. Ainsi 173 enseignants auraient été assassinés dans les Etats de Borno et de Yobé depuis le début de la violence des islamistes.

Comment ces gens-là ont-ils pu kidnapper autant de lycéennes et ensuite les transporter par un convoi de plusieurs véhicules jusqu’à un lieu secret sans que les forces nigérianes ne s’en rendent compte ? De nombreux témoins ont affirmé que la police a été mise au courant plusieurs heures avant, mais elle est restée passive. Boko Haram a probablement des ramifications au sein de l’appareil d’État nigérian sinon il n’agirait pas aussi facilement.

Malgré la menace qui pèse sur eux, certains parents d’élèves ont osé accuser publiquement l’inaction des autorités de ce pays face aux mouvements islamistes. Ils se sont organisés pour manifester leur mécontentement, notamment à Abuja la capitale politique du Nigéria. Ils réclament une action énergique de l’État pour libérer les lycéennes. Dans plusieurs villes du pays, des enseignants se sont également mis en grève et ont manifesté pour réclamer plus de protection de la part des autorités publiques, des indemnités pour les familles de ceux qui ont été assassinés par les islamistes. Ils ont aussi mis en avant des revendications d’ordre salarial.

Goodluck Jonathan, le président nigérian qui ne rate aucune occasion de vanter que son pays est devenu « la première puissance économique de l’Afrique » est confronté à deux questions épineuses : celle de la montée et de la radicalisation des mouvements islamistes (Boko Haram n’en est qu’un parmi tant d’autres) d’un côté, et la contestation sociale de l’autre. La mobilisation des parents et des enseignants n’en est qu’a ses débuts et il n’est pas impossible qu’elle fasse tache d’huile.

De nombreux autres pays africains sont confrontés à la montée des mouvements islamistes. On les a vus à l’œuvre au Nord du Mali, à Tombouctou et à Gao notamment. Lorsqu’ils ont pris le pouvoir dans ces villes, ils se sont surtout distingués dans la terreur envers les habitants en mettant en avant la Charia (loi islamique) : obligation pour les femmes de porter le voile, interdiction pour elles de sortir non accompagnées de leur mari ou d’un membre de la famille, interdiction pour tous de regarder la télévision, de fumer une cigarette, de jouer au ballon, de sortir le soir, etc. Pour un oui ou pour un non, ils ont lapidé des femmes accusées d’adultère, coupé des mains aux petites gens accusées de larcin, fouetté des gens accusés de n’importe quoi.

Le pouvoir qu’ils ont exercé durant quelques mois dans le nord du Mali a laissé des traces indélébiles de leur barbarie. Sur le continent Africain, ils sont déjà présents en Algérie, Libye, Mauritanie, Niger, Cameroun, Kenya, Tanzanie, entre autres. Peut-être que demain, ils séviront au Sénégal, en Gambie, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso ou en Guinée. Ce sont les mêmes ou leurs semblables qui sévissent, en Afghanistan, au Pakistan, en Indonésie et ailleurs.

Dans une situation internationale marquée par la crise économique qui fait basculer de plus en plus de personnes dans la misère, les mouvements de ce genre ont encore plus de facilité pour se renforcer en profitant de la détresse sociale. Leur montée dans les pays pauvres, là où la population musulmane est importante, est à comparer à celle des mouvements d’extrême droite dans les pays d’Europe. Ce sont des ennemis des travailleurs et plus généralement de tous ceux qui aspirent à un progrès social et humain.

Les dirigeants des pays occidentaux comme Hollande ou Obama qui font semblant de se mobiliser pour soi-disant mettre fin aux activités terroristes des mouvements islamistes en Afrique et ailleurs, sont doublement hypocrites. C’est leur politique consistant à appauvrir encore plus les travailleurs et les couches populaires, pour engraisser toujours plus les grands capitalistes et les banquiers, qui réduisent des millions de personnes à la misère. Cela favorise les mouvements réactionnaires les plus extrémistes. Et, en soutenant nos dictateurs locaux, ils ne font que maintenir les populations africaines dans la misère et dans l’oppression.

Face aux mouvements islamistes qui veulent imposer leurs pratiques barbares, les travailleurs et l’ensemble des populations pauvres d’Afrique ne peuvent compter que sur leur mobilisation et leurs luttes pour défendre leurs intérêts d’exploités et d’opprimés.

Une attaque meurtrière du village de Fateh, frontalier au Libéria dans la région de Grabo a fait 5 morts brûlés vifs et plusieurs maisons pillées et brûlées. Cela s’est passé le 15 mai. Les victimes sont exclusivement des burkinabé et des maliens.

Les bandits armés sont d’ex-miliciens pro-Gbagbo, opposées en son temps aux forces nouvelles de Soro Guillaume. Ils vivent de rapines et commettent leurs exactions tout le long de la frontière. Ce sont eux qui alimentent ainsi les sentiments ethnistes et xénophobes, favorisés par les problèmes de terre récurrents dans cette région.

Ce genre d’attaques est courant, depuis l’installation du nouveau pouvoir en 2011. Comme c’est de coutume, des ministres y sont dépêchés pour faire du cinéma. Cette fois-ci, la délégation a été conduite par Anne Ouloto, ministre de la femme. Elle a hypocritement fait mine de ne pas comprendre les raisons de ces attaques et a demandé aux chefs coutumiers : « que se passe-t-il à Grabo, qui attaque et pourquoi ? Le chef de l’État veut savoir pour mieux vous aider ».

Paroles de politiciens ! Ces gens n’ignorent pas les massacres réguliers de populations dans cette région par des milices interposées. Cela, depuis une quinzaine d’années. Certains d’entre eux ont d’ailleurs été commis par les Frci eux-mêmes, ou d’autres milices qui leurs sont liées ! N’est-ce pas les gens aujourd’hui au pouvoir qui ont avancé le chiffre de plus de 1000 personnes massacrées, essentiellement dans cette région, rien que depuis 2010 ? Pas plus que ces gens n’ignorent les graves problèmes de terre qui y sont bien souvent liés.

C’est pour toutes ces raisons que les différentes populations qui coexistent dans cette région vivent dans la peur et la méfiance. D’autres massacres aussi barbares peuvent survenir demain. Et comme à chaque fois, le gouvernement ne fera rien à part quelques discours hypocrites ! Ce sera ainsi, tant que les Cargill, les Nestlé et autres gros négociants en cacao continueront à faire de bonnes affaires dans la région. De même pour les Michelin et autre Billon qui s’enrichissent de la prod
uction de l’hévéa.

Tant que les affaires seront prospères pour les plus gros, le gouvernement s’accommodera de ces massacres et continuera à faire semblant de ne pas comprendre ce qui se passe