Derrière leur envie de réformer le « foncier rural » il y a les besoins du capitalisme

16 février 2018

Actuellement, les gros capitalistes de l’agro-industrie et du négoce ne peuvent pas investir dans l’agriculture sans prendre de gros risques. Ils voudraient bien pouvoir tirer meilleure partie des cultures de rente, telle que le cacao, le café, l’hévéa, le palmier, le coton, le cajou, en y injectant des investissements supplémentaires. Mais pour cela, il leur faut quelques garanties. Ce que ne peuvent pas leur donner la très grande majorité des propriétaires terriens, du fait qu’ils ne peuvent pas justifier de la possession de leurs terres par un titre de propriété officiellement établi. Ces terres ne peuvent donc pas être hypothéquées, achetées ou vendues.

Depuis 1997, les gouvernants et les députés ont pondu en vain des lois et des décrets concernant la gestion du « foncier rural ». Leur objectif est d’attribuer à chaque domaine rural un titre de propriété, un document le justifiant, comme dans tout pays capitaliste digne de ce nom. Les députés avaient même reçu un financement pour effectuer des tournées dans les villages afin d’expliquer cela aux paysans.

Comme les résultats se faisaient attendre, des villages ont même été menacés d’expropriation par l’État qui deviendrait à terme propriétaire de tous les domaines n’ayant pas de propriétaires possédant un titre foncier. Mais rien n’y a fait. Le gouvernement a même allégé les démarches administratives afin de faciliter et d’amoindrir le coût du bornage et de l’enregistrement. Mais l’affaire n’évolue pas pour autant ; cela fait 20 ans que ça dure.

La Banque Mondiale a décaissé plusieurs dizaines de milliards de francs notamment pour appuyer les structures déjà existantes afin d’accélérer l’enrôlement des paysans qui possèdent des terres. C’est ainsi, par exemple, que des organisations dans la filière cotonnière ont reçu une formation, des moyens conséquents en véhicules 4×4, en dotation de carburant, en ordinateurs, etc. Leur rôle est d’être des facilitateurs auprès des paysans, dans leurs démarches administratives. Cela a commencé il y a près de deux ans. Mais ils n’ont pas plus de résultats !

Les raisons en sont que les petits paysans et les villageois ne perçoivent pas le problème comme les autorités et les capitalistes tapis derrière eux. Pourquoi doivent-ils donc justifier la possession de leur terre que tout le monde sait être leur propriété ? En plus des moyens financiers que cela leur demanderaient, ils sentent un coup tordu venant des riches, à force d’être toujours piétinés, spoliés de leurs productions.

D’autre part, pour les agriculteurs baoulé, burkinabé, dioulas ou maliens par exemple, qui exploitent des terres dans des régions dont ils ne sont généralement pas originaires, justifier la propriété des terres qu’ils exploitent est un gros problème quand bien même ils les occuperaient depuis plusieurs générations. Ils savent que c’est source potentielle de conflit grave, d’autant plus que les terres agricoles deviennent de plus en plus rares. L’obstacle n’est donc pas seulement administratif.

A l’Ouest, la question est encore plus compliquée. La guerre, le sang, les expropriations, les haines, sont le vécu des populations depuis une vingtaine d’années. La question de la terre est centrale dans ces conflits.

Les autorités ont beau tourner le problème dans tous les sens depuis 20 ans, elles n’y arrivent pas, au grand dam des capitalistes qui voudraient pouvoir sécuriser et garantir un peu plus leurs bonnes affaires.

Dans le cadre du système capitaliste, tout règlement du foncier rural ne se fera qu’au détriment des populations pauvres et dans la douleur. La question foncière ne trouvera une solution satisfaisante pour les populations pauvres que dans la société socialiste, par la mise en valeur collective des terres et par l’utilisation des moyens modernes de production. Une telle politique se fera avec l’assentiment des petits paysans car ils y trouveront des avantages. Elle ne se réalisera que contre les gouvernements et contre les capitalistes.