Délivrance de certificat de propriété dans le « foncier rural » : pourquoi ça patine ?
Les capitalistes de l’agrobusiness sont très intéressés à exploiter à grande échelle dans l’agriculture en Côte d’Ivoire. La terre ne manque pas et le climat est très favorable à certaines cultures à l’échelle industrielle. Le seul hic pour ces capitalistes, c’est qu’ils ne peuvent pas se hasarder à investir leurs capitaux alors que le foncier rural en Côte d’Ivoire n’est pas sécurisé du fait que les propriétaires terriens disposent très rarement d’un titre foncier en bonne et due forme leur permettant d’attester officiellement leur propriété et donc de le vendre sans risque de contestation pour l’acquéreur.
C’est dans ce sens que la Côte d’Ivoire s’est engagée depuis 25 ans à mettre en place des lois et des structures dont l’objectif est de permettre aux propriétaires de terre d’acquérir un « certificat foncier ». Cependant, cette légalisation de la propriété foncière n’a pas avancé. La « Banque mondiale » s’est engagée depuis une dizaine d’année à financer cette opération. Une agence du foncier rural a été mise en place à cet effet, mais au bout du compte, elle n’a réussi à produire que 50.000 certificats fonciers alors que l’objectif fixé pour 2029 est de 500 000 certificats.
La lenteur de l’opération n’est pas seulement d’ordre financier. Pour passer d’une gestion coutumière de la propriété terrienne à une gestion purement capitaliste, il y a de nombreux problèmes qui s’avèrent insurmontables. Par exemple, ceux qui cultivent la terre en Côte d’Ivoire en sont propriétaires de fait, même s’ils ne possèdent pas de titre officiel tamponnés par l’État. Rappelons qu’en son temps Houphouët Boigny, lorsqu’il avait besoin de défricher les forêts pour faire des plantations de café et de cacao, avait déclaré que la terre appartient à celui qui la met en valeur. Les populations d’agriculteurs sont venues cultiver ces terres. Certaines sont locales, d’autres viennent de l’intérieur du pays ou des pays frontaliers et y sont depuis de très nombreuses années.
Alors, formaliser cette propriété devient du même coup une question explosive, surtout quand on sait que cette question a déjà été à la source de la violence qui a fait des milliers de morts à la fin des années 90 et même encore au début des années 2000. Elle est devenue encore plus explosive aujourd’hui du fait de la montée du chômage dans le pays et aussi à cause du prix du foncier qui a pris de la valeur. Cette question de terre est souvent utilisée par des politiciens, notamment en période électorale, pour opposer les populations les unes aux autres. Cela s’est traduit plusieurs fois par des conflits ethniques et xénophobes graves.
La volonté du gouvernement poussé par les capitalistes de la finance et de l’agrobusiness, risque une nouvelle fois de mettre le feu aux poudres et de provoquer un nouveau bain de sang. Les seuls qui sont capables de mettre ces capitalistes une fois pour toute hors d’état de nuire ce sont les travailleurs et les petits paysans car ils sont exploités, volés et opprimés par ces mêmes ennemis.