Armées impérialistes, hors d’Afrique !
Le 31 décembre dernier, lors de ses vœux de nouvel an, Ouattara a annoncé « la rétrocession dès ce mois de janvier 2025 » du camp militaire français du 43ème BIMA (bataillon d’infanterie de marine) de Port-Bouët, aux forces armées de Côte d’Ivoire et qu’il portera désormais le nom d’un général Ivoirien. Rappelons que cette base militaire française existe depuis 1978 et a été installée juste à proximité de l’aéroport d’Abidjan afin de contrôler la capitale et ses principaux axes de circulation aérienne, maritime et routière. Elle a abrité jusqu’à environ 1000 soldats français durant certaines périodes de crise. Aujourd’hui, il y en aurait 500 et selon Ouattara il n’en restera qu’une centaine « sous le commandement de l’armée ivoirienne ». Il a précisé que cette baisse d’effectifs a été « coordonnée » avec l’État français et que le « partenariat militaire » se poursuivra par des formations de soldats locaux. L’État français se réserve le droit d’envoyer « ponctuellement » des renforts en Côte d’Ivoire s’il l’estime nécessaire.
Les mots et le ton utilisés par Ouattara lors de cette allocution ont été choisis de telle sorte que cela apparaisse comme un acte de souveraineté, mais on en rigole sur les réseaux sociaux. C’est à se demander si ce n’est pas un conseiller de l’Élysée qui lui a dicté le discours !
La présence militaire française en Côte d’ivoire remonte à plus de cent ans. Son rôle était d’appuyer la conquête et l’exploitation coloniale. Elle a été maintenue après l’indépendance pour veiller au maintien des intérêts de l’ancienne puissance coloniale et en même pour protéger le régime d’Houphouët Boigny, un fidèle parmi les fidèles. Après la mort de ce dernier, l’armée française a continué de jouer son rôle. En 2002, elle s’est interposée entre les troupes gouvernementales et les forces rebelles en Côte d’Ivoire. En novembre 2004, elle a ouvert le feu sur des manifestants à Abidjan, tuant plusieurs dizaines de personnes. En mars 2011, elle s’est engagé aux côtés de la rébellion contre Laurent Gbagbo pour porter Ouattara au pouvoir.
Contrairement aux autres dirigeants d’anciennes colonies françaises de l’Afrique de l’Ouest, Ouattara n’a jusqu’à présent jamais ouvert sa bouche, ne serait-ce que sous forme de souhait, pour mettre en cause ce vestige de la colonisation que représentent les bases militaires françaises en Côte d’Ivoire. C’est Macron qui lui a presque susurré à l’oreille qu’il serait temps de se mettre au diapason de l’opinion publique car elle devient de plus en plus hostile à ce qui rappelle trop l’occupation coloniale. Reste à savoir si ce simple ravalement de façade suffira à calmer la population quand cette vague d’hostilité contre la présence militaire française déferlera dans le pays.
Une présence militaire de plus en plus rejetée
Il n’y a même pas trois ans, les forces françaises étaient présentes dans neuf pays africains : Mali, Niger, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Gabon, Djibouti, Tchad, Sénégal et République Centrafricaine. Aujourd’hui ce n’est plus le cas car certains pays ont décidé d’y mettre fin.
Le 28 novembre dernier, à la suite d’une visite du ministre français des Affaires étrangères, le Tchad a dénoncé les « accords de sécurité et de défense » avec l’ancienne puissance coloniale et exigé le départ de ses troupes stationnées dans le pays. Quelques jours après, c’est le président sénégalais qui annonçait « la fin de toutes les présences militaires de pays étrangers dès 2025 » sans toutefois mettre fin aux accords de défense avec la France. Mais c’est la Centrafrique qui a ouvert le bal dès 2021 en faisant appel au groupe paramilitaire russe Wagner pour supplanter les troupes françaises. Quelques mois après, ce fut le tour des juntes installées à la suite de putschs au Mali, Burkina Faso et Niger. Dans ces trois pays, les populations ont manifesté plusieurs fois leur hostilité à la présence de l’armée française et le départ de celle-ci a été salué par des manifestations de joie.
Les déclarations grandiloquentes sur « la souveraineté nationale » sont devenues à la mode chez les dictateurs. Elles servent surtout à détourner la colère de la population, pour faire oublier la dégradation de ses conditions d’existence, le chômage, les bas salaires, la cherté du prix des denrées, etc., mais ceux qui souffrent de cette situation ne se contenteront pas éternellement de paroles et de symboles de souveraineté nationale !
Macron : on change la forme mais pas le fond
Il y a deux ans, face à ce courant d’hostilité, Macron annonçait la réorganisation de son dispositif militaire en Afrique. Il disait qu’il ne voulait plus « de bases militaires en tant que telles » et qu’« elles deviendront, pour les unes, des académies, pour les autres, des bases partenariales. Elles seront pour certaines rebaptisées. Elles vont changer de physionomie, de logique, d’empreinte ». Un « envoyé spécial » a même été nommé pour discuter des termes de cette réorganisation avec les États africains. « Faire mieux avec moins », tel était alors son slogan.
Face au piège du nationalisme petit bourgeois, il faut opposer la lutte de classe et l’internationalisme prolétarien
Aujourd’hui, presque 75 ans après la décolonisation, les réflexes colonialistes des dirigeants de l’ancienne puissance n’ont pas beaucoup changé ! Les récentes déclarations de Macron reprochant à certains chefs d’État d’avoir « oublié de dire merci » à la France pour les avoir défendus contre les attaques djihadistes, est une illustration de ce mépris. Les gesticulations nationalistes de certains dirigeants africains ne le dérangent pas tant que ça car il sait très bien que même là où ses troupes ont été contraintes de partir, les intérêts économiques de l’impérialisme français n’ont pas été touchés et que si demain ils étaient mis en cause l’armée française aura toujours les moyens d’agir, même si cela se passe à des milliers de kilomètres. Cela s’est déjà produit dans le passé, par exemple en mai 1978 lors du largage d’un régiment de plusieurs centaines de parachutistes sur Kolwesi, dans l’ex-Zaïre, soit à 7 500 km de la base de Calvi en Corse d’où ont été embarqués les parachutistes.
Nulle part, même là où les troupes françaises laisseront la place libre aux armées locales, la situation ne s’améliorera pour l’écrasante majorité de la population car le capitalisme s’accommode très bien avec des régimes nationalistes. Mais lorsque les travailleurs de ces pays dominés décideront de prendre leur sort en main, ils ne se contenteront pas de renvoyer les troupes de l’ancienne puissance coloniale et de ses alliés mais ils prendront les armes pour exercer eux-mêmes le pouvoir, ils exproprieront la bourgeoisie, qu’elle soit étrangère ou nationale, et collectiviseront la production.
La nouvelle armée qu’ils mettront en place ne sera plus un instrument de répression au-dessus de la population et contre elle mais dirigée par les travailleurs en armes pour défendre les intérêts de tous les exploités contre tous les exploiteurs. Les frontières tracées par les colonisateurs pour diviser les peuples seront abolies et les travailleurs mettront leurs forces en commun. Ils auront alors en face d’eux des dirigeants de pays impérialistes et ceux de nos pays, qu’ils soient nationalistes ou pas, car ils ont en commun la volonté de maintenir le système capitaliste.