Alliances politiques et calculs électoraux depuis le multipartisme
La Côte d’Ivoire, comme la plupart des pays d’Afrique noire francophone, est restée un pays de parti unique depuis son indépendance jusqu’à 1990. Cette année-là, François Mitterrand, alors président de la France, convoque les dirigeants des anciennes colonies françaises d’Afrique à une conférence en France, dans la petite ville de La Baule. À cette rencontre, le président français intime l’ordre à ses hôtes de s’ouvrir au multipartisme. Des mouvements de contestation secouaient alors nombre de pays d’Afrique et il fallait accorder quelques libertés pour faire tomber la pression.
C’est ainsi qu’en plus du PDCI-RDA, en cette année 1990, d’autres partis, dont le Front Populaire Ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo, vont fleurir le paysage politique du pays. C’est dans la même année que Ouattara est nommé au poste de 1er ministre par Houphouet Boigny. À la mort de ce dernier en 1993, se pose la question de sa succession.
Des frictions vont naitre entre Bédié alors « dauphin constitutionnel » et Allassane Ouattara. Bédié obtient l’appui de la France et devient président ; il écarte du PDCI les partisans de Ouattara. Ceux-ci, menés par Djeny Kobena, vont créer en 1994 un parti de transfuges du PDCI, le Rassemblement des Républicains (RDR). Ce sont ces trois partis qui jouent depuis lors le premier rôle sur la scène politique ivoirienne par le jeu des alliances qu’ils font et défont.
Du front républicain de 1995 au coup d’État de Robert Guéi
Bédié une fois au pouvoir, va tout faire pour s’y visser. Il fait voter entre autres, une nouvelle constitution pour disqualifier Ouattara à l’élection présidentielle de 1995. Le FPI et le RDR de Ouattara se regroupent au sein du « front républicain » pour déboulonner Bédié de la présidence de la république. Ensemble, ils organisent des meetings et des marches pour boycotter les élections. Mais à l’approche de l’année 2000 et d’une nouvelle élection présidentielle, le front républicain a commencé à prendre l’eau. Aussi l’opposition entre PDCI-FPI-RDR a fait monter la tension sociale et cela va aboutir au coup d’État de Robert Guéi en décembre 1999 qui va évincer Bédié et le forcer à l’exil.
Une fois le PDCI et Bédié écartés, commence alors entre les deux anciens alliés du front républicain, le FPI et le RDR, une lutte acharnée pour la conquête du pouvoir. Après l’arrivée au pouvoir de Gbagbo en 2000, cette lutte va se transformer en rébellion armée à partir de 2002.
Alliance Bédié-Ouattara contre Gbagbo au sein du RHDP
Cette rébellion aboutit à la division du pays en deux parties. Cependant, ni le RDR, ni le PDCI pris séparément, n’étaient en mesure d’évincer Gbagbo. En 2005, c’est-à-dire à la fin du mandat présidentiel, celui-ci n’organise pas d’élection arguant de la scission du pays. Les frères ennemis du PDCI et du RDR se coalisent pour former le RHDP incluant la rébellion armée qui contrôle le Nord du pays. Cette coalition va profiter des élections de 2010 pour chasser le FPI du pouvoir avec l’appui de l’armée française. La crise dite post-électorale a fait officiellement plus de 3 000 morts auxquels il faut ajouter des centaines de milliers de réfugiés.
Alliance Gbagbo-Bédié contre Ouattara en 2020
Après avoir effectué deux mandats présidentiels, Ouattara décide d’en faire un troisième en 2020 mais ses anciens alliés, Bédié et Soro n’en veulent pas. Du coup, ils ont déserté le RHDP pour mettre sur pied une nouvelle coalition avec leurs anciens rivaux du FPI. Ils ont appelé au boycott de l’élection présidentielle qui vient d’avoir lieu. Ouattara s’apprête à célébrer sa victoire mais beaucoup de gens ont en mémoire la crise post-électorale de 2010 et les affrontements violents qui ont fait tant de victimes.
En effet, ces politiciens assoiffés de pouvoir sont capables des pires bassesses pour parvenir à leurs fins. Ils peuvent de nouveau jeter les populations les unes contre les autres. L’histoire des trente dernières années est assez éloquente dans ce sens. Les tout derniers évènements qui viennent d’avoir lieu à Daoukro, Bonoua, Divo, Abengourou, Dabou, Yamoussoukro, pour ne citer que ceux-là, n’augurent rien de bon pour les populations pauvres car ce sont elles qui au final vont payer au prix fort les conséquences des actions criminelles des clans en compétition pour le pouvoir.