Algérie, Soudan : des leçons et un avertissement pour les travailleurs

05 mai 2019

ALGÉRIE, SOUDAN

Au moment où nous écrivons ces lignes, des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes continuent de défiler dans plusieurs villes en Algérie et au Soudan pour défier les pouvoirs en place. Ceux-ci tentent de faire quelques concessions de façade pour calmer la contestation mais celle-ci continue d’occuper la rue. Nous reproduisons ci-dessous l’éditorial du journal « Lutte Ouvrière » daté du 19 avril de nos camarades de l’organisation du même nom qui militent en France.

Depuis plusieurs semaines, en Algérie et au Soudan, la population est parvenue à ébranler les dictatures en place depuis des dizaines d’années, à force de mobilisations massives et déterminées.

En Algérie, après les manifestations qui ont commencé en février, la population a obtenu la démission de Bouteflika, qui était au pouvoir depuis vingt ans. Le nouveau gouvernement a promis la tenue d’un scrutin présidentiel le 4 juillet prochain. Il espère ainsi canaliser l’aspiration au changement exprimée par la population et faire élire un homme qui assurerait la continuité du régime.

Les manifestations qui ont eu lieu dans tout le pays le 12 avril montrent que la majorité de la population ne veut pas se contenter d’un ravalement de façade et refuse d’accorder la moindre confiance à ceux qui ont dirigé le pays avec Bouteflika en réprimant toute opposition.

Cette méfiance est d’autant plus justifiée qu’au-delà de la clique de privilégiés et d’affairistes qui s’accaparent le sommet de l’État, c’est tout l’appareil répressif de la dictature, à commencer par l’armée, qui reste en place. Et si, pour le moment, l’état-major n’a pas fait le choix de réprimer les manifestations, ses dirigeants n’ont pas hésité dans le passé à faire tirer à de nombreuses reprises sur la population.

Au Soudan, depuis quatre mois, des manifestations se déroulaient contre le renchérissement des produits de première nécessité, comme le sucre et le pain dont le prix avait été multiplié par trois. Malgré la répression, les manifestations ont continué de s’amplifier. Finalement, le 11 avril, l’armée a décidé de lâcher le dictateur en place depuis trente ans, organisant un coup d’État pour mettre en place un Conseil militaire de transition.

Contre ce qu’ils dénonçaient comme une photocopie du régime, des milliers de manifestants ont continué de descendre dans la rue, défiant le couvre-feu instauré par les nouvelles autorités et obligeant le chef du Conseil militaire à peine installé à démissionner. « En deux jours, nous avons renversé deux présidents », scandaient fièrement les manifestants soudanais.

Les travailleurs et les classes populaires qui se sont mobilisés massivement en Algérie et au Soudan contre la dictature ont toutes les raisons d’être fiers. Ils ont montré qu’en luttant collectivement et d’une façon déterminée ils représentent une force énorme.

Mais ce qui se passe aussi bien en Algérie qu’au Soudan nous montre aussi que cette force ne peut être efficace qu’à condition d’être guidée par une politique qui se place du point de vue des intérêts de classe des exploités. Cela nécessite que les exploités se donnent une organisation représentant à la fois ces intérêts et une perspective pour l’ensemble de la société.

La grande bourgeoisie, les classes privilégiées ont à leur disposition un arsenal politique et des forces de répression pour défendre leur domination. Ces serviteurs politiques ou militaires ont les moyens d’inventer une multitude de subterfuges pour tromper la majorité pauvre de la population et tenter de la conduire vers des voies de garage.