Les hôpitaux publics, des mouroirs pour pauvres !

24 mars 2015

LEUR SOCIÉTÉ

Un accident de circulation grave a eu lieu sur la côtière le dimanche 08 mars à quelques kilomètres de Dabou. Il s’agit d’un car de transport de 70 places qui venait de Grand Lahou qui a fait plusieurs tonneaux. La presse avait parlé de 7 morts. Mais selon les derniers chiffres de la compagnie de transport, il y a 21 morts et de nombreux blessés graves.

Les blessés ont été évacués dans un premier temps à l’hôpital protestant de Dabou où ils n’ont reçu aucun soin. De là, ils ont été évacués aux urgences du CHU de Yopougon. Il y faisait déjà nuit. La souffrance se lisait sur le visage des blessés mais aussi de leurs parents impuissants devant une situation aussi révoltante

Une fois arrivé au CHU de Yopugon, tous ces blessés ont été déversés à même le sol, comme des sacs de cacao. C’était dans le sang et la crasse, les uns posés sur les autres. Tellement l’endroit était déjà chargé, il est vite devenu exigu. A leur arrivée, il n’y avait aucun médecin aux urgences. Il y avait tout juste quelques filles de salle. Quand les quelques rares médecins sont arrivés, c’était déjà la nuit. D’ailleurs, jusqu’au lendemain à 18 heures, aucun blessé ne pouvait prétendre avoir reçu le moindre soin. Ils se sont vus tout juste délivrer quelques ordonnances payantes et des radiographies pour ceux qu’ils estimaient en avoir besoin, y compris, par exemple, des blessés qui avaient des fractures ouvertes et qui faisaient peine à voir.

Pourtant, depuis la mort d’Awa Fadiga, cette mannequin qui était morte pour ne pas avoir reçu de soins, exactement comme ceux-là, dont la presse avait fait écho, le gouvernement avait fait tout un tapage et désigné quelques boucs émissaires. Depuis lors, le gouvernement a fait croire que les services d’urgences ont été rénovés et que les blessés recevraient les premiers soins gratuitement. Tout cela s’avère faux et de pure propagande.

D’ailleurs, le gouvernement a entre-temps privatisé la gestion de la PSP (Pharmacie de la Santé Publique). Les conséquences, c’est que le médecin urgentiste délivre au blessé une ordonnance à la pharmacie des Urgences. Cette dernière est censée fournir le matériel et les médicaments gratuitement. Sauf que la réalité est bien différente. En effet, cette pharmacie d’urgence ne délivre même pas, ne serait-ce qu’un simple sparadrap, sous prétexte que tous les stocks sont épuisés. Rien qu’à cause d’un tel manquement, le propriétaire de cette pharmacie mériterait d’aller en prison.

La petite employée de la pharmacie vous dit alors d’aller à l’autre aile de l’hôpital où la même pharmacie a un second local réservé aux autres malades de l’hôpital. Ici, tout est payant. N’ayant pas le choix, vous payez. Aucun reçu ni facture ne vous sera délivré. Même votre ordonnance vous sera confisquée. Il n’est pas compliqué de comprendre que le gérant de cette pharmacie fera ensuite passer toutes ces ordonnances à la pharmacie d’urgence et se fera ainsi doublement payer : une fois par le patient et une seconde fois par l’État.

C’est exactement le même mécanisme pour les blessés à qui les médecins ont prescrit un scanner à faire. Sous prétexte que celui de l’hôpital est en panne, on demande alors au blessé de se rendre à l’autre bout de Yopougon, où il paiera chaque scanner autour de 50 mille à 60 mille francs. Ici aussi, on ne lui délivrera pas de facture. On peut alors aisément imaginer que par le même mécanisme, cette structure privée refacturera sa prestation ensuite à l’État. Dans cette société capitaliste, même les blessés sont sources de profit pour la bourgeoisie.

Si c’était un riche qui était accidenté, est-ce qu’il serait jeté ainsi dans un mouroir comme le sont ces urgences du CHU de Yopougon ? Bien sûr que non. Il serait évacué à la PISAM ou dans une structure hospitalière équivalente où il aurait le maximum de chances de s’en sortir.

Le gouvernement pourrait en faire de même pour tous les accidentés, y compris les pauvres. Il suffirait d’obliger l’assurance du véhicule en cause de prendre à sa charge tous les frais occasionnés par l’accident. Pourquoi ce véhicule est-il assuré sinon justement pour ce genre de cas ? Le gouvernement le sait parfaitement. Mais les hauts dirigeants de ce pays sont copains avec les assureurs qui sont souvent des succursales de multinationales où eux-mêmes ou les membres de leurs familles siègent souvent dans les conseils d’administration. Que leur importe que des pauvres en meurent ou en souffrent du moment qu’eux se remplissent les poches ?

D’ailleurs, s’il y avait une justice dans cette société qui est faite pour les riches, le patron de cette compagnie de transport devrait payer pour avoir obligé le chauffeur de ce car à travailler le seul jour (un dimanche) où il était de repos, alors que celui-ci lui avait bien dit qu’il n’était pas en mesure de conduire ce car pour n’avoir pas dormi la veille.

Cet exemple montre à quel point dans cette société capitaliste, les pauvres subissent l’injustice de tous les côtés.