Élections municipales : une claque contre le pouvoir en place

25 février 2022

SÉNÉGAL

Macky Sall, à la tête de l’État sénégalais depuis 2012, est à son deuxième mandat présidentiel. Depuis plusieurs mois, il tâte le terrain avant de s’engager pour un troisième mandat quitte à fouler aux pieds la modification de la constitution limitant le nombre de mandat à deux et qu’il a fait voter lui-même en 2016 (c’est ce qu’à fait Ouattara en Côte d’Ivoire en 2020). Mais avant d’officialiser son projet, il voulait être certain de ne pas faire un faux pas. Il croyait que les élections municipales qui viennent d’avoir lieu le 23 janvier 2022 allaient être une bonne rampe de lancement pour sa 3ème candidature. Il s’était personnellement engagé dans la campagne électorale en sillonnant tout le pays pour vanter ses prétendues réalisations, mais ce fut un fiasco.

Le parti politique de Macky Sall intitulé BBY(Benno Bokk Yakaar («Unis par l’espoir», en langue wolof), a été battu à plate couture dans de nombreuses grandes villes dont Dakar, Thiès, Ziguinchor, Diourbel et bien d’autres. De nombreux « poids lourds » du parti présidentiel, dont le ministre de la Santé Abdoulaye Diouf et Aliou Sall, frère cadet du chef de l’État et président de l’Association des maires du Sénégal, ont été battus.

On peut dire que Macky Sall a eu son « test de popularité » en recevant une claque électorale. Cela a réjoui nombre de personnes dans les quartiers populaires, y compris parmi celles qui ne se sont pas déplacées pour voter. Bien avant cette élection, la colère populaire s’était déjà exprimée plusieurs fois dans la rue contre la flambée des prix, contre l’incapacité du gouvernement à résoudre le problème de l’approvisionnement en eau potable, des coupures d’électricité, du mauvais état de la voirie qui provoquent des inondations dans les quartiers populaires lors de chaque saison de pluie, du délabrement des hôpitaux et des écoles publics, etc.

La grève des enseignants qui dure depuis plusieurs mois, le mécontentement du personnel soignant des hôpitaux publics qui réclament des embauches et du matériel médical pour soigner correctement les patient ainsi que les augmentations de salaire pour faire face à la flambée des prix, la colère de la jeunesse des classes populaires qui galère pour trouver du travail, tout cela exprime le mécontentement profond qui existe au sein des catégories populaires qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts. Parfois, ce mécontentement explose au grand jour et surprend les gouvernants car eux n’ont pas de problème de fin du mois ni de logements insalubres.

Tout le monde se souvient encore des émeutes populaires qui ont secoué le régime de Macky Sall durant plusieurs jours en mars 2021 suite à l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko. Les affrontements avec la police ont fait plusieurs morts et des dizaines de blessés. Cette arrestation n’a été que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase mais les vraies raisons de la colère sont à rechercher dans l’incapacité du pouvoir à répondre aux aspirations de la jeunesse et de la population des quartiers pauvres. Le chômage, les bas salaires et la hausse du coût de la vie les plongent de plus en plus dans la misère. Dans ces conditions, une simple étincelle suffit à mettre le feu à la poudrière. Avec Macky Sall ou avec un autre président, les mêmes causes vont tôt ou tard produire les mêmes effets.