Quand Macky Sall annonce une « riposte » contre le coronavirus

26 mars 2020

SÉNÉGAL

L’OMS (Organisation Mondiale de Santé) annonce déjà qu’une tragédie se prépare sur le continent africain à cause du fait que les États africains sont totalement démunis pour faire face à la pandémie de coronavirus. « Il faut s’attendre au pire », a déclaré un responsable de cette institution

Actuellement, le Sénégal est le pays le plus touché par le Covid 19 en Afrique au sud du Sahara. Jusqu’à la date du 23 mars, il n’y a eu officiellement aucun mort à déplorer dans ce pays, mais le gouvernement a recensé « 71 malades sous traitement dans les 4 arrondissements de Dakar, ainsi qu’à Mbao, Yeumbeul, Guédiawaye, Rufisque, Touba, Mbour, Thiès, Popenguine, Saint-Louis et Ziguinchor ».

Que vaut ce genre de statistique dans un pays où le pouvoir peut raconter ce qu’il veut ? Comment vérifier la véracité de ce propos alors que les moyens de dépistage sont dérisoires ? Les remarques d’un professeur en infectiologie exerçant à Dakar sont plus éclairantes que les discours officiels. «Le coronavirus, dit-il, on ne le trouve que si on le cherche ». En d’autres termes, le nombre de malades affiché par le gouvernement serait en dessous de la réalité.

Le 23 mars, le président sénégalais Macky Sall a décrété l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire. « L’heure est grave. La vitesse de progression de la maladie nous impose de relever le niveau de la riposte» a-t-il dit. Mais quelle riposte ? L’interdiction de se trouver dehors entre 20 heures et 6 heures du matin ? Certes, les écoles resteront fermées mais toutes les autres activités restent inchangées. Les marchés sont bondés comme d’habitude, surtout durant la matinée ; les bus et les cars de transports de voyageurs sont aussi chargés qu’avant. Certes, le transport de voyageurs entre Dakar et le reste du pays a été interdit mais ce n’est pas cela qui empêchera le virus de se propager à l’intérieur de Dakar et des autres grandes villes où les habitants vaquent à leurs occupations quotidiennes comme si de rien n’était.

Les rassemblements sont interdits depuis le 14 mars mais à Touba, haut lieu du mouridisme, les grands marabouts qui détiennent les clés de cette ville, font littéralement ce qu’ils veulent en continuant les grandes prières collectives rassemblant parfois des milliers de personnes. Et pourtant cette ville est l’épicentre de l’épidémie au Sénégal ; c’est là que les tout premiers cas de Covid 19 ont été détectés.

Macky Sall, tout président qu’il est, n’a pas eu le courage de leur imposer la décision qu’il a prise pour l’ensemble du pays. Alors, il a envoyé sur place un de ses proches collaborateurs. Celui-ci était chargé de « délivrer le message du chef de l’État au khalife général des mourides » Mais quelle fut la surprise de nombreux sénégalais quand ils ont découvert par les médias que ce monsieur s’est aplati devant les dignitaires religieux de Touba en participant lui-même à la grande prière du vendredi, c’est-à-dire en contrevenant à l’interdiction décrétée par le gouvernement auquel il appartient.

De nombreux sénégalais ont été choqués, à juste raison, par le fait que l’État sénégalais ne puisse pas imposer une décision aussi importante aux dirigeants de Touba. Notons cependant qu’à Dakar les mosquées et les églises ont fermé leurs portes et qu’un marabout récalcitrant a été mis aux arrêts.

La prétendue « riposte pour endiguer l’épidémie » claironnée par Macky Sall n’est rien d’autre qu’une fanfaronnade. Malheureusement, ce sont les populations les plus pauvres qui vont faire les frais de l’impuissance de l’État face à la propagation du virus. Macky Sall a dit que le virus ne fait pas de distinction entre riches et pauvres, mais ceux qui ont les moyens de se soigner pourront toujours accéder aux soins pour tenter d’échapper à la mort, tandis que les plus démunis, c’est-à-dire la grande majorité des habitants, mis à part quelques « chanceux », ne pourront pas se faire soigner. C’est une différence de classe sociale.