Éditorial

Face au terrorisme : les armées ne sont pas là pour défendre les populations mais pour les terroriser

29 novembre 2019

MALI, BURKINA FASO, NIGER…

 

La multiplication des attaques terroristes au Mali et au Burkina Faso inquiète de plus en plus les dirigeants des pays sahéliens et plus généralement ceux de l’ensemble de l’Afrique de l’ouest. En l’espace de quelques jours, plusieurs dizaines de soldats maliens et burkinabè ont perdu la vie lors des embuscades tendues par des combattants se déplaçant d’une frontière à l’autre.

Le nombre de réfugiés, tant au Mali qu’au Burkina Faso, est en augmentation. Selon le CICR (Comité International de la Croix Rouge), rien qu’à l’intérieur du Burkina Faso, leur nombre est passé de 200 000 à plus d’un demi-million, entre janvier et novembre 2019. Au Mali aussi, les grandes villes situées au sud du pays ont vu leurs populations gonfler de plusieurs dizaines de milliers de personnes en l’espace de quelques mois, tandis que de nombreux villages situés au Centre et au Nord sont abandonnés.

Ceux qui ont des familles installées dans les grandes villes situées loin des zones de combats, essayent de les rejoindre. Les autres sont obligés de se débrouiller comme ils peuvent en se réfugiant dans des camps de fortune, dans l’indifférence totale des autorités.

Aucun État de cette vaste région de l’Afrique sahélienne et subsahélienne qui va du Nigeria au Mali, en passant par le Cameroun et le Tchad, ne peut se croire à l’abri de ces bandes armées inspirées par un djihadisme teinté d’anti-occidentalisme et de gangstérisme. L’augmentation de la misère et de la pauvreté poussent toujours plus de gens dans leurs bras. À cela s’ajoute le fait que les populations craignent parfois plus la proximité des armées officielles que celle des djihadistes. En effet, lorsque les habitants des petites localités rencontrent des militaires ou des gendarmes mobiles sur leur chemin, c’est rarement pour les protéger mais très souvent pour les racketter et les agresser. Le nombre de morts qu’ils laissent sur leur passage est parfois plus important que les victimes des terroristes.

Les dirigeants maliens et burkinabè, les deux pays actuellement les plus touchés, multiplient les appels au secours en direction des grandes puissances, de l’ONU, des pays voisins et des donateurs financiers. Le gouvernement malien dit qu’il consacre déjà 20% de son budget dans les dépenses militaires et que cela ne lui suffit pas. Mais ce qu’on voit surtout dans ce pays, c’est le nombre impressionnant de généraux et autres galonnés de haut rang, se distinguant plus par leur train de vie de nabab que par leur bravoure devant les groupes armés. Ce sont aussi des soldats qui détalent devant un petit groupe d’assaillants en abandonnant armes, munitions et véhicules.

Tout dernièrement s’est tenu à Dakar un sommet au cours duquel les dirigeants maliens, burkinabè et nigériens ont renouvelé ces appels. Certains pays comme le Sénégal ou la Côte d’Ivoire, entre autres, ont fait un geste de solidarité en leur direction sous la forme d’envoi de nouveaux contingents.

De son côté, le représentant de l’ONU a prévu de renforcer la Minusma (Mission des Nations Unies pour le Mali) et de l’orienter vers des opérations plus musclées.

Quant aux dirigeants de l’impérialisme français, ils ont prétendu que la force Barkhane qui agit au Mali et le G5-Sahel dans une zone encore plus vaste, sont destinées à protéger les populations. Ce n’est qu’une tromperie car ce qui motive l’impérialisme français c’est avant tout la défense de ses intérêts géostratégiques. Cette vaste zone sahélienne et ouest africaine fait partie de sa chasse gardée. Les intérêts de la bourgeoisie française, entre autres, y sont considérables mais elle ne peut pas trop compter sur les armées de ses serviteurs locaux pour les défendre.

Ces armées ne sont pas faites en effet, pour faire la guerre au terrorisme, ni même pour faire la guerre tout court, mais simplement pour terroriser et réprimer leurs propres peuples en cas de révoltes contre le pouvoir et contre les exploiteurs. Sans cette force de répression, les États africains ne peuvent pas maintenir l’écrasante majorité de leurs populations dans la misère.

En dehors des périodes de révoltes populaires, l’activité principale de ces armées consiste surtout à parader, à racketter et à agresser les petites gens. Elles peuvent peut-être impressionner les habitants par temps calme, mais certainement pas les terroristes islamistes et autres qui ne craignent pas de perdre leur vie.