Il y a 100 ans, les travailleurs prenaient le pouvoir en russie

06 novembre 2017

Histoire

Le 25 octobre 1917 (7 novembre selon le calendrier actuel), les travailleurs russes jetaient les bases d’un pouvoir dirigé par leur classe. Ce pouvoir des travailleurs était géré par des « soviets », c’est-à-dire des assemblées de délégués démocratiquement élus et révocables à tout moment. Ces soviets apparus pour la première fois lors de la révolution de 1905 avaient réussi à cette époque à ébranler le pouvoir du Tsar, le dictateur féodal. Ce despote fut contraint d’engager des réformes sociales et démocratiques en faveur des classes pauvres et à accepter l’existence d’un parlement (la Douma) à l’exemple des autres grandes puissances européennes. Le Tsar avait réussi à sauver son trône mais lorsque la tempête sociale fut retombée, il continua de régner sans partage et au service des mêmes classes sociales opulentes et parasitaires qu’auparavant.

Ces soviets ont à nouveau fait leur apparition en 1917. À ce moment-là, les grandes puissances étaient en guerre les unes contre les autres et avaient jeté les populations d’Europe ainsi que celles des pays qu’ils colonisaient, dans le grand carnage de la 1ère guerre mondiale. Leur objectif était de se partager le monde. La famine, l’exploitation et les privations de toutes sortes consécutives aux exigences des bourgeoisies respectives en conflit armé, faisaient des ravages terribles dans les classes pauvres des villes et des campagnes, toutes soumises à l’effort de guerre.

Eh bien c’est dans ces circonstances matérielles difficiles que les ouvriers de Russie se sont lancés à l’assaut du pouvoir en octobre 1917. Ils ont très rapidement lancé un appel aux travailleurs du monde entier pour qu’ils suivent leur exemple afin de mettre fin au capitalisme.

En réalité cette révolution prolétarienne avait commencé dès le mois de février 1917. C’est en effet à la suite des grandes grèves générales et du refus des forces armées de mater la fureur révolutionnaire, que le Tsar est tombé. L’ordre établi s’effondrait comme un château de cartes. Un « gouvernement provisoire » lié aux anciennes classes privilégiées et aux capitalistes, a pris le relais à partir de ce moment. Ce gouvernement était incapable de mettre un terme à la flambée des prix et de faire que le pain ne manque. Il continuait à envoyer les soldats se faire tuer dans les tranchées aux fronts, tentait par tous les moyens de restaurer l’autorité ébranlée des officiers tsaristes, depuis quelque temps. Ce gouvernement dirigé par Kerensky, qui se disait socialiste, faisait tout pour repousser la réforme agraire alors que les paysans pauvres attendaient avec impatience sa mise en œuvre. Les paysans qui tentaient de s’emparer de la terre étaient sévèrement réprimés.

Pendant ce temps les travailleurs et les soldats en insurrection s’étaient rendus maîtres de la capitale Petrograd et la révolution gagnait rapidement les autres grandes villes. Ils s’étaient organisés en soviets au travers desquels la population pauvre pouvait imposer sa volonté. Ces soviets étaient infiniment plus démocratiques que le parlement bourgeois : toutes les tendances du mouvement ouvrier avaient le droit de s’y exprimer et d’avoir des élus. Les socialistes, c’est-à-dire mencheviks et socialistes-révolutionnaires, étaient dans un premier temps majoritaires dans les soviets. Par la suite, au fur et à mesure que les illusions envers le gouvernement provisoire tombaient, ce fut le Parti Bolchevique dirigé par Lénine, qui devenait majoritaire. Ce dirigeant était rentré d’exil et défendait la nécessité absolue pour le prolétariat de prendre le pouvoir. Pour lui et aussi pour Trotsky (qui était déjà un dirigeant connu depuis 1905), seule la classe ouvrière, bien qu’elle soit minoritaire à l’échelle du pays, était capable d’assurer les tâches mises à l’ordre du jour par la révolution : la paix, le pain, la terre.

Au mois de juillet 1917, les dirigeants de l’État essayèrent de mettre le Parti Bolchevique hors la loi. Ses imprimeries furent saccagées, Lénine dut se réfugier en Finlande et Trotsky fut jeté en prison. En fin août les régiments contre-révolutionnaires ont commencé leur marche sur la capitale et dans la foulée, le général tsariste Kornilov fit une tentative de coup d’État contre-révolutionnaire. Les cheminots ont dérouté les trains qui acheminaient ses troupes ainsi que leur matériel militaire. L’assaut de Kornilov échoua lamentablement.

À partir de ce moment, dans la composition des soviets, le nombre de délégués pro-bolchéviks augmenta au détriment des éléments conciliateurs, traduisant une rupture avec le gouvernement provisoire. L’insurrection eut lieu les 24 et 25 octobre 1917. Elle déposa le gouvernement provisoire et établit le pouvoir des soviets. Cette prise du pouvoir fut presque sans effusion de sang. Kerensky quitta Petrograd dans une voiture mise à sa disposition par l’Ambassade américaine.

Le lendemain, le Congrès des soviets publia une déclaration dans laquelle il affirmait qu’ « il proposera une paix immédiate et démocratique à tous les peuples…Il assurera la remise sans indemnité des terres des propriétaires fonciers…à la disposition des comités paysans… Il défendra les droits des soldats en procédant à la démocratisation totale de l’armée. Il assurera à toutes les nations qui peuplent la Russie le droit véritable à disposer d’elles-mêmes ».

Le 25 octobre 1917, la Russie soviétique était devenue le premier bastion d’une révolution qui allait ébranler le monde. Cela n’était pas un vœu pieu : dans les mois qui suivirent, une partie de l’Europe s’embrasait. La Finlande d’abord, puis l’Allemagne, se couvraient de conseils ouvriers en 1919, de même qu’en Hongrie dans la même année. De grandes grèves en Italie en 1920 et des vagues de grèves en France et en Grande-Bretagne allaient montrer que tout le prolétariat européen se mobilisait. La bourgeoisie impérialiste a tremblé et les grandes puissances capitalistes qui s’entre-déchiraient pendant la 1ère guerre mondiale, se sont toutes coalisées contre le jeune État ouvrier pour empêcher la révolution de s’étendre.

Malgré tous les sacrifices des travailleurs de ce grand pays économiquement arriéré et leurs efforts pour s’étendre en direction des autres pays, la révolution russe restée isolée était condamnée. Cette révolution a été vaincue d’en dedans par le développement d’une bureaucratie à partir de l’appareil d’État. Cette nouvelle couche privilégiée qui a plébiscité Staline comme chef, a fini par bâillonner la classe ouvrière, puis arrêter le processus révolutionnaire.

Malgré la dégénérescence stalinienne, la Révolution Russe a réussi, grâce à l’expropriation de la bourgeoisie et la planification de l’économie, à hisser ce pays économiquement arriéré, au rang de grande puissance industrielle. Dans cet immense pays où l’écrasante majorité de la population ne savait ni lire ni écrire, le pouvoir soviétique a liquidé en quelques années l’analphabétisme en consacrant un effort fantastique à créer des alphabets dans les langues de plusieurs dizaines de peuples qui ne connaissaient pas l’écriture. Le nombre de diplômés universitaires, y compris parmi les femmes, est supérieur en Russie que dans les pays capitalistes même développés.

Il est important aujourd’hui que les travailleurs conscients qui veulent changer le monde, soient regroupés et éduqués dans la tradition héritée des révolutionnaires russes de 1917.