Une expulsion scandaleuse d’un militant anti-CFA

25 septembre 2017

SÉNÉGAL

Le 6 septembre dernier le gouvernement sénégalais a expulsé vers la France un militant anti-CFA accusé de « trouble à l’ordre public ». Il s’agit du franco-béninois Kémi Séba, qui est venu à Dakar pour participer à un rassemblement contre le franc CFA le 19 Août dernier.

Lors de ce rassemblement qui a réuni quelques individus se réclamant de la « souveraineté monétaire africaine », ce KémiSeba a brulé un billet de 5.000 francs CFA devant les caméras. C’est ce geste qui lui a valu d’être expulsé vers Paris.

Ce monsieur a peut-être assez d’argent pour pouvoir se permettre de brûler un billet alors que de nombreux travailleurs dakarois doivent peiner deux jours pour en obtenir un, mais il n’a pas du tout troublé l’ordre public. En le traduisant devant un tribunal puis en l’expulsant, le gouvernement sénégalais lui a au contraire offert un plateau pour faire parler de lui. Du coup, un mouvement de protestation a réuni environ 400 personnes à Dakar à la suite de cette expulsion inacceptable. Toutes ne sont pas d’accord avec certains propos anti sémites ou proches de l’extrême droite française de KémiSeba, mais ils ont exprimé leur volonté de mettre fin à la dépendance du CFA par rapport à la Banque de France. D’autres militants, en plus faible nombre, se sont rassemblés à Bamako, Cotonou ou Libreville.

Ces gens-là font partie d’un courant politique se réclamant de la souveraineté monétaire des États africains. Ils disent et font croire que l’économie africaine se porterait mieux si à la place du franc CFA chaque État africain avait sa propre monnaie. Ils défendent les intérêts d’une frange de la bourgeoisie africaine qui aspire à une certaine autonomie par rapport à l’État français et qui voudrait par exemple traiter un peu plus avec la Chine, l’Inde, le Brésil ou d’autres pays de leur choix.

Les liens que les États membres de la zone CFA ont avec l’État français les empêchent en effet de nouer des relations commerciales avec des partenaires de leur choix au delà d’une certaine marge tolérée par l’ancienne puissance coloniale.

Le Franc Cfa est en effet une monnaie tout droit issue de la décolonisation. Elle a été créée par l’État français pour perpétuer sa domination économique et politique sur son pré carré africain. C’est un instrument de domination mais en même temps un symbole fort qui rappelle trop la colonisation jusqu’au cigle même de cette monnaie.

Mais faire croire qu’avec une autre monnaie que le Cfa la situation des travailleurs et de l’écrasante majorité de la population qui croule sous le poids de la misère va s’améliorer est une pure tromperie. Un ouvrier nigérian, Guinéen, Ghanéen ou Sénégalais est par exemple payé avec des monnaies différentes mais ce qu’ils ont en commun c’est d’être exploité et payé avec un salaire de misère qui ne leur permet pas de mener une vie digne à eux et à leur famille. Les intérêts des Etas africains (ou d’une frange de leurs bourgeoisies locales) sont une chose, ceux des exploités, c’est-à-dire de la majorité de la population africaine, en sont une autre.

Faire croire que les intérêts des exploiteurs et des exploités sont les mêmes est une tromperie que les nationalistes africains ont toujours propagée pour entrainer les populations dans leur sillage. Leur objectif, c’est d’obtenir une marge de manœuvre par rapport à l’impérialisme pour avoir leur part du gâteau dans le pillage capitaliste planétaire. Les intérêts des exploités, de même que l’avenir du monde, se trouvent au contraire dans les combats contre le système capitaliste pour mettre fin à toute forme d’exploitation de l’homme par l’homme.