Le gouvernement cède mais ne rompt pas
Tchad
Poussé par les institutions financières internationales dont le FMI et la Banque mondiale, à réduire annuellement de 378 à 348 milliards de francs CFA la masse salariale, condition sine qua non pour bénéficier de nouvelles aides, le gouvernement tchadien a annoncé, début janvier, la réduction drastique des salaires de tous les fonctionnaires et des agents de l’État.
Ainsi les fonctionnaires qui gagnent le Smig, soit 60 000 francs CFA, verront leur salaire amputé de 5%. Le salaire de ceux qui touchent entre 60 001 et 100 000 F CFA va diminuer de 15%, et ceux dont les salaires oscillent entre 100 001 et 200 000 F CFA perdront 20% de leur dû.
Cette annonce a provoqué une levée de boucliers des syndicats et des partis politiques de l’opposition qui l’ont énergiquement rejetée. Plusieurs manifestations de protestations ont eu lieu sur tout le territoire, en particulier à Ndjamena et à Moundou, la capitale économique et deuxième ville du pays. Les manifestants réclamaient l’abandon pur et simple de cette nouvelle mesure d’austérité.
Aussi, lorsque le 3 janvier, le gouvernement a convoqué les représentants des centrales syndicales pour les convaincre de la nécessité des réductions des salaires, tous ont refusé de se rendre à cette convocation ; tous ont refusé de cautionner les coupes claires sur les salaires.
Devant cette fronde des syndicats, les grèves à répétition et les manifestations de rue, le gouvernement a fait marche arrière en annonçant le 10 janvier le retrait de la mesure de réduction des salaires.
À l’annonce de ce retrait, les syndicats, les travailleurs et les petites gens ont laissé éclater leur joie. «C’est une très bonne chose que le gouvernement entende la voix des travailleurs », a ainsi réagi le président de l’Union des syndicats du Tchad (UST).
Mais cette joie va se transformer dans quelques jours en colère, déception et amertume. En effet sur les payes de janvier, les fonctionnaires ont eu la désagréable surprise de constater des amputations de salaires. Si le gouvernement a reculé sur son nouveau projet de réduire les salaires, il n’a toujours pas payé les primes et les indemnités des fonctionnaires, il n’a pas tenu sa promesse faite aux syndicats.
Dès ce constat, les syndicats, d’un commun accord, ont appelé de nouveau à une « grève générale illimitée ». Des dirigeants syndicaux en courroux contre ce coup bas de Deby, l’ont même traité de « sadique ».
Bien avant la nouvelle attaque contre les salaires, le secrétaire général de l’UST avait déclaré que : « Le gouvernement doit être responsable en respectant son engagement de ne pas toucher les salaires », sinon, « il doit, certainement, gérer la rue ». Son collègue de la Confédération libre des travailleurs tchadiens (CLTT), un syndicat pourtant considéré comme proche du régime de Déby, s’est également rebellé en disant que : « Le salaire est sacré, c’est la vie des gens. On ne peut s’amuser avec».
De nouveau, le bras de fer est engagé entre le gouvernement du dictateur Idriss Deby et les dirigeants des centrales syndicales.
Si la mobilisation ne faiblit pas malgré la menace de répression à peine voilée, si les grèves des fonctionnaires s’amplifient et touchent d’autres secteurs de l’activité économique, ce gouvernement de voleurs et de trafiquants en tous genres, aux ordres du grand capital et avec le soutien tacite de l’impérialisme français, sera bien obligé de satisfaire leurs revendications.