Éditorial

Un régime qui tolère l’esclavage et bâillonne la liberté d’expression

07 janvier 2022

MAURITANIE

 

Le 17 Novembre dernier, le gouvernement mauritanien a adopté un projet de loi durcissant la législation contre ceux qui osent critiquer l’islam. Jusqu’ici, la peine de mort était déjà en vigueur pour ceux qui étaient accusés de «  crime d’apostasie » ou de « blasphème »  mais au cas où le condamné faisait « acte de repentance », sa peine était allégée en quelques années de prison. Avec la nouvelle loi qui vient d’être votée cet allègement a été supprimé.

Cette décision vient après une série de protestations et de manifestations (notamment à la sortie de la grande mosquée de Nouakchott) organisées par des imams qui n’étaient pas contents de la libération du blogueur Mohamed Ould Mkhaïtir. Ce denier a été condamné à mort le 24 décembre 2014 pour avoir critiqué dans son blog internet des « écrits saints » de l’islam justifiant certaines pratiques discriminatoires. Mais sa condamnation à la peine capitale avait été commuée en peine de prison à la suite de sa repentance et puis il a été libéré le 9 novembre dernier.

La Mauritanie est une République islamique depuis son indépendance en 1960. La constitution de 1985 a fait de l’islam la religion d’État et de la charia la loi du pays. Depuis août 2008 c’est le général Muhammad Ould Abdelaziz qui règne en maître absolu. Il ne tolère aucune opposition en dehors de celle qu’il autorise pour faire bonne figure lors des élections dont le résultat est connu d’avance. Son clan et sa famille détiennent tous les postes-clé de l’appareil d’État et d’une grande partie des secteurs économiques du pays.

Ce général a déclaré récemment qu’ « il n’y a pas d’esclave en Mauritanie » et il a même le culot d’ajouter qu’il a inscrit l’esclavage comme crime contre l’humanité dans sa constitution. C’est une escroquerie que de nombreuses associations dénoncent en apportant des preuves et des témoignages. Mais au lieu de condamner les coupables de cette pratique (qui font généralement partie de la classe dirigeante) l’État emprisonne les militants anti-esclavagistes.

Ce régime ne tolère pas non plus les travailleurs qui luttent pour l’amélioration de leurs conditions d’existence. Cela a été le cas lors de la dernière grève des ouvriers de la mine de Zouerate en février 2015 dont l’État mauritanien est propriétaire à 78%.

Les petits paysans qui vivent le long du fleuve sont aussi victimes des accaparements de terre. Leurs petits lopins de terre sont confisqués par des riches qui sont de mèche avec des gens du pouvoir. Ils se retrouvent du jour au lendemain dépossédés et s’enfoncent encore plus dans la misère.

Ceux qui croient qu’un simple changement de dirigeants à la tête du pays à la suite d’une élection « propre et libre » suffira pour apporter la liberté politique et l’amélioration des conditions d’existence de la majorité de la population se trompent. Les travailleurs n’ont aucun intérêt à se rallier derrière tel ou tel politicien sous prétexte qu’il est de leur ethnie, de leur caste ou de leur couleur de peau. Ils ne peuvent compter que sur leurs luttes et leur organisation propre à eux c’est-à-dire une organisation politique qui englobe les travailleurs de toutes les ethnies et qui axe son combat contre l’exploitation capitaliste et contre toute forme d’oppression.