Les gagne-petit de la corruption et les gros bonnets

07 novembre 2023

SÉNÉGAL

Tout récemment un policier dakarois a été filmé par un amateur de caméra-téléphone alors qu’il était en train d’accepter un pot de vin d’une automobiliste en infraction. La vidéo a été diffusée sur internet et de nombreuses personnes au Sénégal l’ont vu à travers les réseaux sociaux. On y aperçoit l’agent de circulation empocher l’argent et ensuite il détruit la contravention et la met dans sa bouche pour la détruire. On entend même le dialogue établi entre l’agent et la conductrice en infraction. Celle-ci propose la somme de deux mille francs, l’agent refuse puis finit par demander 3000 FCFA.

La vidéo a beaucoup circulé et l’action de la personne qui a filmé la scène a été appréciée par beaucoup de gens. Les autorités supérieures de la police l’ont aussi visionnée et cela ne leur a pas plu. Il parait que l’automobiliste qui a corrompu l’agent est recherchée par la police pour avoir été une actrice dans cette corruption. Quant au policier en question, il a été parait-il incarcéré dans les locaux disciplinaires de la police. Il va peut-être faire les frais de la campagne médiatique lancé par la vidéo mais ce n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan.

Tout le monde au Sénégal sait que la corruption est un phénomène très rependu et que cela ne date pas d’aujourd’hui. Mais disons tout de suite que la situation n’est pas meilleure dans les autres pays voisins. La police est particulièrement gangrenée par cette pratique. Il en est de même de l’administration et de bien d’autres secteurs de l’appareil d’Etat. Plus on monte dans les grades et les échelons, plus les pots de vin sont gros. Mais à ce haut niveau, les caméras vidéo auront plus de mal à surprendre les margoulins.

Macky Sall, après son élection s’est vanté de faire de la lutte contre la corruption « une priorité ». En 2012 il a créé une structure spéciale prétendument dédiée à la lutte contre ce fléau. Il s’agit de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac). Mais ce n’est que deux ans plus tard que cette structure a commencé à « travailler ». Il faut croire que ce n’était pas une « priorité » aussi pressante que cela. Le budget alloué à l’Ofnac en 2015 a été de 20151,65 milliards de francs CFA (environ 2,5 millions d’euros). Il y a de quoi satisfaire quelques appétits autour du camp présidentiel !

Dès le départ, des voix se sont élevées notamment au sein de certaines organisations de droits civils pour dénoncer la main mise politique des partisans du nouveau président sur cette nouvelle structure. Effectivement, Macky Sall y a installé d’abord les siens pour éventuellement traquer les fraudeurs ailleurs que dans son propre camp. La présence d’un certain Codé Mbengue parmi les membres de cet office a particulièrement choqué l’association « Forum civil » car son nom aurait été cité dans une affaire de drogue et de corruption dans la police. Mais selon Abdou Latif Coulibaly, le ministre chargé de la Promotion de la Bonne gouvernance, « Codé Mbengue a été totalement blanchi par une enquête administrative ». On peut être pourri et blanchi quand même comme certains dignitaires de la mafia!