Le cinéma fait autour du procès de l’ancien dictateur tchadien va-t-il enfin prendre fin ?

22 février 2016

TCHAD-SÉNÉGAL

Est-ce enfin la fin du cinéma judiciaire ? Le procureur du tribunal spécial africain qui juge l’ex-président tchadien à Dakar a réclamé le 10 février dernier l’emprisonnement « à perpétuité» pour «crimes de torture, crimes contre l’humanité et crimes de guerre», assorti de la confiscation de tous les biens saisis pendant la procédure. Cette sentence ne sera confirmée que le 30 mai prochain.

Alors, est-ce la fin de ce cinéma judiciaire qui a duré près de 24 ans ? Ou faut-il s’attendre à des rebondissements suite à d’autres tractations politiques et judiciaires pour repousser voire annuler la procédure ?

Les ennuis judiciaires de l’ex-dictateur Habré ont commencé en mai 1992 c’est-à-dire deux ans seulement après sa fuite devant l’avancée des troupes rebelles dirigées par Idriss Deby, avec le soutien actif de l’armée française omniprésente au Tchad. Dans l’euphorie suscitée par sa victoire, Deby a créé une « Commission nationale d’enquête » sur les crimes et détournements commis par l’ex-président Habré. La Commission a établi un bilan de 3 806 personnes – dont 26 étrangers – mortes en détention ou exécutées par la DDS (Police politique créée par Habré).

Les parents des victimes s’attendaient à ce que Deby demande l’extradition de son bourreau de maître vers le Tchad pour le juger mais en vain. Alors des ressortissants tchadiens en Belgique ont déposé le 3 février 2000 une plainte contre l’ex-président Habré. Leur plainte étant recevable, les autorités belges ont demandé son extradition pour qu’il soit jugé chez eux. Refus catégorique du tribunal de Dakar : comme les crimes et tortures s’étaient déroulés hors du territoire belge, la Belgique ne serait donc pas habilitée à juger Habré. Sur ce même prétexte fallacieux, le tribunal de Dakar a refusé de juger Habré quand, en 2008, des dictateurs de l’Unité africaine lui avaient demandé de le faire.

Selon Dakar, le procès Habré ne peut avoir lieu que sur les lieux du crime. Or l’actuel dictateur tchadien Idriss Deby, qui était le bras droit de Habré et l’exécuteur des basses œuvres de ce dernier, n’ose pas lancer une demande d’extradition car, en cas de procès, il risque d’être lui-même éclaboussé par des révélations des témoins.

Puis coup de théâtre des dictateurs africains réunis en 2012 à Addis-Abeba dans le cadre des travaux de l’UA, ont décidé que, finalement, le Sénégal pouvait organiser le procès de Habré. Mais les autorités interpellées ont refusé de le faire sous prétexte qu’il manquait d’argent pour l’organiser, compte tenu des centaines de témoins qu’il fallait loger, etc

Si aujourd’hui la prison « à perpétuité » plane sur Habré alors qu’il est vieux et usé, ses seconds couteaux qui avaient activement participé aux tueries et aux tortures, sont en liberté. A commencer par le président-dictateur Idriss Deby qui vit à l’aise à Ndjaména sans être inquiété ; Il y a aussi Bandjim Bandoum, l’un de ceux qui organisaient les enlèvements des opposants pour les assassiner ou les torturer ; il vit aussi tranquillement à Paris au su et vu des autorités françaises qui le protègent alors qu’il faisait l’objet d’un mandat international lancé contre lui pour « crimes contre l’humanité.

Même après sa chute, Habré a continué à bénéficier de la bienveillance de ses anciens maîtres de Paris. Il a rendu service à l’impérialisme français. C’est ainsi qu’en 1990, le gouvernement français a demandé à Diouf de lui accorder l’asile politique. Un colis encombrant !