Abdoulaye Wade – Macky Sall : je te tiens tu me tiens…

30 octobre 2014

SÉNÉGAL

L’ancien président sénégalais, Abdoulaye Wade, est sorti de sa retraite dorée, de sa demeure cossue de Versailles pour se rendre à Dakar afin, dit-il, de « défendre l’honneur » de son fils Karim, actuellement en prison au Sénégal pour « enrichissement illicite » et détournement de des deniers publics.

Depuis le 18 avril 2013, Karim Wade est en effet écroué avec sept autres personnalités proches de l’ancien président, à la prison de Reubeuss, dans la capitale sénégalaise, en attendant son procès reporté plusieurs fois déjà.

Quand Wade était encore président du Sénégal, il avait propulsé son fils dans la vie politique, au sein du PDS (son parti politique) et au sein de l’appareil d’État, de préférence dans le cercle restreint du palais présidentiel, là où tout se décide, particulièrement les affaires les plus lucratives. Ce n’était un secret pour personne que Wade préparait son fils à sa propre succession; et ce dernier se voyait déjà khalife à la place du khalife. En 2009 il est nommé par son père « ministre d’État, ministre de la Coopération internationale, de l’Aménagement du territoire, des Transports aériens et des Infrastructures ». Cela lui a valu le sobriquet de « ministre de la Terre et du Ciel ». Dans le milieu fermé des hommes d’affaires, on l’appelait dans un premier temps « Monsieur 10% »,puis « Monsieur 15% » (selon les révélations faites par WikiLeaks sur les télégrammes de la diplomatie américaine). Ce surnom lui a été donné dans ce milieu parce que chaque fois qu’un homme d’affaires voulait faire une affaire au Sénégal, il était obligé de passer par Karim Wade et celui-ci prélevait systématiquement « son pourcentage ».

En l’espace de quelques années, la fortune personnelle de Karim Wade s’est élevée à 700 milliards de Francs Cfa selon les accusations de la Justice sénégalaise. Celle-ci s’est découverte des talents de pourfendeuse d' »enrichissement illicite », après la chute d’Abdoulaye Wade, et seulement dans le camp des perdants.

Bien entendu pour l’ancien président Wade, son fils est « innocent » et le procès qui lui est fait est purement « politique » et destiné à le salir et à le briser politiquement. Du coup, Wade a sorti sa grosse artillerie en déclarant devant la presse à Dakar, que Macky Sall est un corrompu car lui et son ministre des Mines « ont reçu des pots de vin » du groupe Arcelor Mital lors de la négociation entre l’homme d’affaires Indien et l’État Sénégalais sur l’attribution du contrat de concession de la mine de fer de Falémé.

Wade a déclaré qu’il va demander à son parti de porter plainte contre le « prédateur » Macky dans une autre affaire : celle de l’attribution en juin 2012 de deux permis de recherche et d’exploitation des blocs de pétrole découverts au large du pays à la société Pétro-Tim Sénégal, société dont l’administrateur ne serait autre qu’Aliou Sall, le frère de l’actuel chef de l’État.

Les proches de Macky Sall ont tout de suite crié à la diffamation et menacent de poursuivre Wade en justice. Mais il faut dire que les deux hommes se connaissent bien, et de longue date. C’est Abdoulaye Wade qui a formé politiquement Macky Sall. Il lui a donné le biberon dès son jeune âge en le nommant « conseiller personnel ». Ensuite il lui a donné un poste de ministre, puis de Premier ministre. Sentant que son heure était arrivée, Macky est sorti de l’ombrage de Wade qui préférait que son propre fils le succède à la Présidence. Macky Sall a alors quitté le PDS pour se présenter à l’élection présidentielle. Il a trouvé des alliés au sein du PDS car de nombreux caciques de ce parti ne supportaient plus l’ambition démesurée de Karim Wade qui chapeautait tout.

Il faut dire que jusqu’aujourd’hui, certains caciques du PDS ne voient pas d’un bon œil le retour de Wade à Dakar. Ils auraient préféré que celui-ci reste à Paris, loin de la vie politique sénégalaise et que son fils croupisse en prison pour leur laisser les coudées plus franches. Certains ont trouvé un poste de sinécure auprès de Macky Sall en lâchant leurs alliés d’hier, d’autres ont préféré rester dans l’opposition en attendant leur heure de gloire, mais tous ne rêvent que de mettre la main sur les caisses de l’État pour leur enrichissement personnel.

Mais aujourd’hui c’est Macky Sall qui est au pouvoir et il n’est pas prêt de le lâcher. Aussitôt élu, il a voulu jouer au « Monsieur propre » en nommant un organisme prétendument indépendant pour traquer les malversations financières autour de l’ancien président. Mais ce dernier connaît autant de secrets sur Macky et sa bande que celui-ci en connaît sur lui, d’autant plus qu’ils faisaient tous partie de la même bande de voleurs. Alors ils peuvent jouer au jeu de « Je te tiens, tu me tiens par la barbichette… » dans le but de se neutraliser. C’est un vrai panier de crabes puant la magouille.