La souffrance des travailleurs n’a que trop duré !
CÔTE D’IVOIRE
Un ouvrier de la zone industrielle de Yopougon résume ainsi le contexte actuel dans son entreprise : « tu fais ce qu’on te demande de faire sans poser trop de questions. Même les petits chefs sont de véritables dieux sur terre. Au moindre petit rapport, tu es renvoyé. Quand ils décrètent des heures supplémentaires, personne n’ose refuser. Nos plaintes restent entre nous ». C’est loin d’être un cas isolé.
Il arrive parfois que des ouvriers (ou des ouvrières, comme à la conserverie de thon, au port de pêche) travaillent des jours et des nuits, prenant tout juste le temps de dormir un peu sur les lieux même du travail. C’est une situation vraiment révoltante.
De peur, peut-être, que la situation devienne explosive, le gouvernement a pris les devants en augmentant le salaire minimum depuis le mois de novembre 2013. Même si cette révision est toute dérisoire devant la cherté de la vie, à ce jour elle n’est toujours pas effective dans toutes les entreprises. Là où elle l’est, seuls les journaliers en ont bénéficié. Les embauchés, de leur côté, n’ont encore rien vu sur leur bulletin de paie. Souvent, les patrons se réfugient derrière le prétexte que « le gouvernement n’a pas encore indiqué la nouvelle grille des salaires pour les embauchés ». Ils attendent peut-être le coup de colère de la classe laborieuse pour se décider !
Des menaces de toutes sortes pour intimider les travailleurs
Un patron d’une entreprise située dans la zone industrielle de Yopougon a sorti une note de service interdisant ouvertement aux ouvriers de « faire de la politique à l’usine ». Il va de soi que pour cet exploiteur, discuter des problèmes des travailleurs, c’est « faire de la politique ». En cela, il n’a pas totalement tort. C’est en discutant des problèmes communs, en s’organisant pour se constituer une force, que les travailleurs peuvent ensemble se faire respecter de leurs exploiteurs qui les considèrent comme des bêtes de somme! C’est aussi de cette manière qu’ils pourront combattre toutes les injustices qu’ils subissent en dehors de l’entreprise.
Quelques exemples de luttes qui montrent le chemin
A Sotaci, dans la zone industrielle de Yopougon, des travailleurs d’une petite section de mise en boîte de clous, payés à la tâche, se sont organisés pour imposer leurs revendications. Il leur a fallu 21 jours de grève pour que leur salaire mensuel passe de 60.000 Fr à 80.000 Fr. ils ont aussi, par la même occasion, gagné le respect, même des petits chefs qui n’avaient auparavant que du mépris pour eux.
Au PK18, sur le chantier Covec à Abobo où travaillent environ 900 travailleurs, dans la construction de logements, le salaire des manœuvres est passé de 2.500 Fr à 4.186 Fr par jour, au bout de quatre jours de grève, avec blocage et menace d’une grève illimitée.
Dans l’entreprise Sico qui construit le siège social de « Green », à Cocody-Ambassade, les ouvriers se sont mis en grève pour refuser le renvoi de leurs camarades pour motif de grève. Aujourd’hui, les sept renvoyés (pour avoir organisé leurs collègues de chantier) ainsi que les vingt autres qui les avaient soutenus, ont tous été réintégrés. Le patron a été contraint de payer cinq jours sur les huit que ces travailleurs ont passé hors de l’entreprise. Concernant leurs points de revendication, la négociation reprend. Il s’agit, entre autre, d’augmentation des salaires, d’embauche, de sécurité, de déclaration à la Cnps, etc.
A Sétao, une entreprise de construction de Bouygues qui a la charge en ce moment de l’extension du centre commercial Cap-Sud, les travailleurs ont bloqué le chantier pour réclamer les « droits de fin de chantier ». Au nombre d’une soixantaine, ils viennent d’arracher une somme totale de 11 millions de francs.
Ces exemples montrent que les travailleurs peuvent renverser le rapport de force en leur faveur et arracher des revendications à leurs exploiteurs quand ils mènent une lutte collective. Plus cette lutte sera large et ira au-delà des luttes corporatistes, touchant plusieurs entreprises, paralysant l’activité économique, plus les chances de victoires des travailleurs seront grandes.
Les faits sont là pour montrer que les travailleurs ne peuvent aucunement compter sur les hauts dirigeants syndicaux qui sont tous aux ordres du gouvernement et du patronat. Ils ne peuvent pas non plus compter sur les partis politiques de l’opposition qui ont montré durant dix ans leur servilité envers le patronat lorsqu’ils étaient au pouvoir. Ils ne peuvent compter que sur leur propre volonté de s’organiser pour rendre les coups aux exploiteurs.