Des courbettes pour les capitalistes et des discours creux pour les classes pauvres

05 juin 2014

Madagascar

Cela fait plus de quatre mois que le nouveau président est en place. Ses premiers actes ont consisté à rassurer les grandes puissances des bonnes dispositions à leur égard et surtout à l’égard des grandes firmes capitalistes, afin que celles-ci reviennent faire des affaires dans le pays. Il est vrai que depuis la chute de Marc Ravalomanana il y a cinq ans, et son remplacement par le régime dit de transition dirigé par Andry Rajoelina, les investissements internationaux s’étaient taris ainsi que les prêts du FMI, de la Banque mondiale, de l’Union Européenne et d’autres institutions.

Les grandes puissances conditionnaient la reprise de leur relation économique au « retour à l’ordre constitutionnel », c’est-à-dire à la tenue d’élections. Elles ont multiplié les pressions économiques et politiques pour que ces élections aient lieu. Elles les ont même financées dans une certaine mesure et envoyé leurs observateurs. Les élections ont eu lieu fin 2013, mais le pays avait entretemps progressivement basculé dans des difficultés économiques grandissantes en grande partie liées à l’étranglement que constituait le tarissement des crédits et au ralentissement des échanges qui s’en suivait.

Les entreprises des zones franches, qui traitaient essentiellement avec des opérateurs économiques américains, ont été boycottées par ceux-ci au profit de leurs homologues de certains pays voisins tel que l’Île Maurice. Les capitalistes mauriciens décrochaient les marchés et sous-traitaient ensuite le travail à Madagascar en prélevant leur prébende au passage. Cela défavorisait les entreprises malgaches car c’était autant de bénéfice en moins pour elles. C’est ainsi que de nombreuses entreprises en ont profité pour se débarrasser de leurs travailleurs et imposer des conditions nettement en recul pour ceux qu’elles gardaient.

Le patronat malgache qui en un premier temps s’accommodait du régime de Rajoelina, s’est progressivement détourné de lui au fur et à mesure que les difficultés économiques se faisaient jour et favorisaient le développement de l’instabilité peu propice à la bonne marche de ses affaires.

Avec la victoire électorale de l’homme d’affaires et ancien ministre de la finance Hery Rajaonarimampianina, tout ce beau monde se frotte les mains et se réjouit à l’idée que les capitaux vont faire leur retour au pays et que les affaires vont reprendre leur cours « normal » vu qu’un régime estampillé démocratique est sorti des urnes et qu’il bénéficie d’une certaine reconnaissance internationale. Ce qui n’était pas le cas du régime précédent.

C’est dans le but de rassurer les grandes puissances que le nouveau président Hery, aussitôt élu a effectué une tournée de charme en Europe et aux États-Unis et affiché ses bonnes intentions à l’égard des firmes, des institutions financières telles que le FMI et la Banque Mondiale, ainsi que d’autres instances, liées à l’Union Européenne.

Tous ces « bailleurs de fonds » ont sans doute été sensibles aux risettes du président à leur égard et aux bonnes dispositions de son gouvernement et des parlementaires toutes tendances confondues. Les grandes puissances et les instances qui dépendent d’elles ont débloqué ou promis quelques prêts au nouveau gouvernement. Une enveloppe de 8 millions d’euros décaissée récemment par L’UE servira, dit-on, prioritairement à la Chambre de commerce afin que celle-ci favorise la compétitivité du secteur privé. D’une manière ou d’une autre, d’autres sommes si tant est qu’elles soient effectivement débloquées, vont être aussitôt englouties par les grandes sociétés internationales sous forme de commandes et par la petite bourgeoisie nationale avide qui attend avec impatience des retombées juteuses en sa faveur. Cette petite bourgeoisie qui choisit de lier son sort à celui de la grande bourgeoisie des pays développés, veut faire croire, comme l’affirment les journalistes qui défendent sa cause, que l’un des objectifs à atteindre serait l’élévation du taux de croissance. C’est sûr qu’elle y trouverait son compte. Mais même un taux de croissance économique élevé, comme c’est actuellement le cas pour plusieurs pays du continent africain, ne se traduit pas automatiquement par un mieux-être pour les travailleurs et les paysans pauvres. Ceux-ci continuent de survivre dans des conditions effroyables. Les quelques améliorations qu’ils obtiennent sont surtout le fruit des combats acharnés. C’est le cas par exemple des mineurs du platine en Afrique du Sud.

Mais de toute façon le capitalisme mondial est lui-même poussif et en crise. De nombreux dirigeants de pays même riches multiplient des courbettes et accordent de multiples faveurs aux banquiers pour que ceux-ci daignent investir chez eux sans que pour autant elles le fassent. Et un dirigeant d’un pays pauvre comme Madagascar a beau se prosterner comme il le fait, il y a peu de chance que cela se traduise par des retombées significatives en terme de retour des capitaux qui du reste n’ont jamais massivement eu lieu même dans le passé.

Tout cela n’empêche pas le président de faire de beaux discours en direction de la population déshéritée. La lutte contre la pauvreté et la réduction des inégalités sociales sont parait-il, sa priorité. Mais cela reste des discours. Il sait que ces inégalités sont criantes puisque c’est précisément grâce à elles qu’il a bâti sa fortune.

La population pauvre et les travailleurs sont lassés d’attendre les changements en leur faveur promis mois après mois. Auparavant ces changements étaient conditionnés par la tenue des élections et la reconnaissance internationale qui s’en suivrait. Maintenant il faut, parait-il, patienter pour que la bonne marche des affaires des capitalistes soit effective et que la croissance arrive. Demain ils vont certainement inventer autre chose. Mais les discours même beaux ne pourront pas tromper durablement ceux qui veulent que ça change en faveur des classes pauvres.